© Bernd Uhlig / OnP
ƒƒ article d’Emmanuelle Saulnier-Cassia
Un procès relatif à une succession et une cantatrice désabusée arrivant au terme des effets de l’élixir de jeunesse, absorbé 337 ans plus tôt, sont les clefs du récit de cet opéra en trois actes, L’Affaire Makropoulos, écrit par le compositeur tchèque Leoš Janáček et inspiré du texte du prolifique auteur et notamment dramaturge Karel Čapek. Créé à Brno en 1926, soit deux ans avant son superbe De la maison des morts, il est repris pour la troisième fois à l’Opéra de Paris, dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski créée en 2007. Dans une imposante scénographie de Malgorzata Szczęsniak (allant d’une salle de cinéma Art Déco, en passant par des toilettes coulissantes et un King Kong géant surplombant une étrange piscine), le metteur en scène a transposé l’action dans le monde du cinéma. Plus précisément dans celui du Hollywood des années Marylin, donnant un sens très contemporain à la quête fantasmatique éternelle de jeunesse et d’immortalité, mais aussi à la peur très concrète de vieillir et de déplaire dans un monde de représentation et d’artifice et finalement aussi au rapport de séduction et de dépendance au regard de l’autre, particulièrement de l’homme sur la femme, que ce soit dans l’exposition artistique et médiatique ou dans la vie courante. Et en cela la mise en scène de Warlikowski est d’une efficacité glaçante.
L’héroïne, la cantatrice Emilia Marty, devenue un étrange miroir de l’icône peroxydée du cinéma américain, est chantée avec beaucoup de sensibilité et d’incarnation par Karita Mattila, jusqu’à son renoncement pour la vie éternelle, au terme d’un long chemin introspectif vers l’acceptation de la mort. A cette fin tragique sur scène s’ajoute une leçon de sagesse, à travers le refus de sa descendance d’utiliser la recette chèrement retrouvée.
L’ensemble de la distribution est à la hauteur de chacun des rôles (avec une mention spéciale pour l’émouvant Peter Bronder), tout comme Susanna Mälkki à la tête de l’orchestre, qui donne ce qu’il y a de meilleur à cet opéra qui valorise plutôt les cuivres et les cordes sans beaucoup de nuances, et qui ne comporte pas de grands airs, raison pour laquelle sans doute cet opéra suscite aujourd’hui moins d’intérêt qu’à sa création qui fut un succès.
© Bernd Uhlig / OnP
L’Affaire Makropoulos de Leos Janáček (musique et texte), d’après Karel Čapek
Direction musicale : Susanna Mälkki
Adaptation et mise en scène : Krzysztof Warlikowski
Décors et costumes : Malgorzata Szczęsniak
Lumières : Felice Ross
Vidéo : Sébastien Dupouey
Vidéo : Denis Guéguin
Dramaturgie : Miron Hakenbeck
Chef des chœurs : Ching-Lien Wu
Avec : Karita Mattila, Pavel Černoch, Nicholas Jones, Ilanah Lobel-Torres, Johan Reuter, Cyrille Duboiss, Károly Szemerédy, Peter Bronder
Et : l’Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris
Langue : tchèque
Surtitrage : français / anglais
Durée 1h50 (sans entracte)
Jusqu’au 17 octobre, 20h
Opéra national de Paris (Bastille)
www.operadeparis.fr
comment closed