À l'affiche, Critiques // Lady Raymonde, mise en scène de Juliette, au XXème Théâtre

Lady Raymonde, mise en scène de Juliette, au XXème Théâtre

Nov 12, 2014 | Commentaires fermés sur Lady Raymonde, mise en scène de Juliette, au XXème Théâtre

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

RAYMONDEduo15 © Philippe Matsas

Madame Raymonde nous revient ! Madame Raymonde est revenue ! Et c’est un bonheur que de retrouver notre Raymonde nationale, so franchies, si parisienne, désormais anoblie par la grande Juliette, notre magnifique ogresse de la chanson française qui, avec intelligence et complicité amicale, signe une mise en scène aussi sobre que classieuse, au cordeau, laissant toute la place – et dieu sait qu’elle en occupe – à ce personnage haut en couleur. Désormais Lady mais toujours la même gouaille, forte en gueule, exubérante, mais qui cachait sous sa petite robe ajustée des trésors de tendresse et de sensibilité. Il fallait qu’elle ose, et avec quelle classe, quelle délicatesse inouïe, reprendre cette « Belle Abbesse » (de Juliette) qui ouvre et referme ce récital de haute tenue pour découvrir une Madame Raymonde pleine de chagrin, de larmes, de coups reçus, ecchymoses au coin du cœur, et qui rêve d’Amérique, prête à lâcher son Paname pour une terre d’illusion où le blues effacerait les bleus. Madame Raymonde chante et raconte son New-York mais n’oublie jamais son Paris, les hommes, les femmes, son enfance et comme toujours les phares. Allez savoir pourquoi il y a toujours chez Madame Raymonde des histoires de phares aussi absurdes et drolatiques les unes que les autres. Elle chante avec cette gouaille unique de chanteuse de rue aux talons usés par les pavés des faubourgs. C’est l’héritière écorchée de Fréhel, Arletty, Marie Dubas, Marianne Oswald et tant d’autres inoubliables inoubliées mais dont le répertoire est aussi résolument contemporain. Et puis soudain elle vous fauche net et sans bavure, vous émeut salement sans crier gare. Le rire qui soulève la salle à l’évocation de ses déboires racontée crânement avec tant de panache et de verve, ou de scies absurdes et populaires chantées à gorge déployée, se casse net. Sobre soudain et pudique, poignante, elle redevient cette petite fille fracassée (« j’ai douze ans » de Luc Plamondon) ou cette femme amoureuse et battue (« les bleus » de Gainsbourg). Mais jamais de pathos, ce n’est pas le genre de la maison. Madame Raymonde dans le malheur a de la tenue ! «  Tenir »  (Juliette) chante-t-elle perdue dans Broadway qui ne veut pas d’elle. Qu’importe si elle chante du Dolly Parton – « Jolene » dans le texte et en frange – dans les boîtes lesbiennes pour survivre en attendant un coup de fil qui ne vient jamais. Ou du moins jamais celui qu’il faut (« raccrochez c’est une horreur » de Gainsbourg). Madame Raymonde se console au cinéma. Et le clou de ce récital est sans doute « la chanson de Ben Hur », chanté en cinémascope où l’on s’étrangle de rire. Mais la nostalgie l’emporte bientôt et Aragon, « Paris 42 », vous serre le kiki. Madame Raymonde a un sacré répertoire pour illustrer sa vie. Ce qu’elle chante à plein poumon, entre deux coups de jaja, c’est la vie, c’est l’amour – même vache – c’est la mort et la peur. Entre rengaines absurdes, à l’humour ravageur, et chansons à texte ciselées qui vous bouleversent à qui elle donne une interprétation qui n’appartient qu’à elle, unique, héritière des pierreuses, des goualeuses, des chanteuses réalistes sans jamais les imiter, n’étant jamais qu’elle-même. Pour notre plus grand bonheur. Forte en gueule peut-être, fichu caractère bien trempé, personnage poétique en diable et unique auquel le public est fidèle et qui comme son joli et talentueux Zèbre accordéoniste (Sébastien Mesnil) l’accompagne depuis ses débuts. Lady Raymonde a mangé tout cru Denis D’Arcangelo son créateur inspiré, cet amoureux de la chanson qui a fait de son personnage, hommage à Arletty dans Hôtel du Nord, une grande chanteuse populaire.

Lady Raymonde
Mise en scène Juliette
Avec Denis d’Arcangelo, chant
Sébastien Mesnil, accordéon
Célio Ménard, Lumières

Du 5 novembre au 14 décembre 2014
Du mercredi au samedi à 21h30, le dimanche à 17h30

Vingtième théâtre
7, rue des plâtrières – 75020 Paris
Réservations 01 48 65 97 90
www.vingtiemetheatre.com

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