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L’abolition des privilèges, d’après Bertrand Guillot, mise en scène d’Hugues Duchêne, au Théâtre 13, Paris

Mar 25, 2024 | Commentaires fermés sur L’abolition des privilèges, d’après Bertrand Guillot, mise en scène d’Hugues Duchêne, au Théâtre 13, Paris

 

© Blokaus 808

 

ƒƒ article de Sylvie Boursier

« Je serai le président de la fin de tous les privilèges », François Hollande, janvier 2012.

« C’est une chance d’être Français, c’est un privilège », Nicolas Sarkozy, juin 2016

« Je mettrai définitivement fin aux privilèges migratoires exorbitants des algériens », Éric Zemmour, mars 2022.

« Il nous faut une nouvelle nuit du 4 août », François Ruffin, août 2022.

Et si la Révolution française, loin d’avoir aboli les privilèges, avait simplement remplacé les privilégiés ? Hugues Duchêne veut comprendre et nous accueille dans l’hémicycle divisé en quatre gradins de part et d’autre de la scène, un soir d’août 1789. Votre chroniqueuse se retrouve sur les bancs du Tiers-État, normal, et le champagne de bienvenue, réservé à la noblesse, lui passe sous le nez. Ça, ce n’est vraiment pas juste.

Nous plongeons en direct dans l’actualité des événements, les orateurs sont des anonymes, pour la plupart ils le resteront, Adrien Duquesnoy et Joseph Delaville Le Roulx, députés du Tiers-État, le président de l’Assemblée, Isaac Le Chapelier, Talleyrand, alors simple député du Clergé ainsi que Louis Marie Antoine de Noailles, Guy Le Guen de Kerangal ou encore Armand-Désiré de Vignerot du Plessis, duc d’Aiguillon. La Révolution à hauteur d’homme, ces hommes ordinaires qui pas à pas, font l’Histoire, dans les comités de quartier ou à l’Assemblée nationale. Maxime Pambet, caméléon virtuose, endosse tous les rôles dans une composition magistrale, une heure et quart pour changer le monde ! On a un faible pour de Kerangal, un  breton au sourcil broussailleux et à la voix rocailleuse, il en impose à la tribune.

Le temps presse, depuis trois mois ça traîne dans l’hémicycle à coups d’obstructions, de débats spécieux qui noient le poisson, beaucoup se disent qu’ils vont encore être venus pour rien, ils regrettent déjà leur chère province. Mais la dette explose, le peuple a faim et brûle des châteaux. Les événements s’accélèrent et, même si on connaît la fin, on est suspendu aux espoirs des uns, aux doutes des autres, à la peur d’un embrasement généralisé du pays. Du rythme, une belle alternance des prises de parole au perchoir et dans les travées, l’occupation de l’espace est épatante. Loin du grand soir abolitionniste, la fin des privilèges est le fruit d’un concours de circonstances avec quelques meneurs et une majorité dépassée par la situation, même si beaucoup savaient que le système était condamné à brève échéance.

« Qu’avons-nous fait ? » réalise Duquesnoy au petit matin, une fois dégrisé, faisant écho au « J’ai participé à un coup d’État contre le roi de France… et je ne l’ai pas réalisé immédiatement » d’un député du tiers dans Ça ira, fin de Louis, de Joël Pommerat.

Hugues Duchêne revient ensuite sur l’avant et l’après 4 août pour en expliquer la genèse et les suites. Il s’immisce sur le plateau et imagine avec son comédien ce que serait aujourd’hui une nuit de l’abolition. Cette suite, plus narrative, perd en intensité malgré un moment totalement hilarant sur comment, messieurs, vous pouvez vous « contracepter » vous-même. Radical ! Hugues Duchêne, en Tintin pourfendeur des privilèges modernes, n’a rien perdu de son envie d’en découdre, qu’on avait adoré dans Je m’en vais mais l’État demeure.

Entre docu-fiction politique et théâtre forum à la scénographie magnétique L’abolition des privilèges réhabilite le débat démocratique, tant vilipendé de nos jours. Inventif, enlevé et drôle ! En sortant, on a en tête la formule du Général de Gaule « Tout Français désire bénéficier d’un ou plusieurs privilèges. C’est sa façon d’affirmer sa passion pour l’égalité. » Bien vu !

 

© Blokaus 808

 

L’abolition des privilèges d’après Bertrand Guillot, Éditions Points

Adaptation et mise en scène d’Hugues Duchêne

Lumière et son : Jérémie Dubois

Avec : Maxime Pambet

Durée : 1h15

 

Jusqu’au 30 mars 2024

Du 26 au 29 mars à 20h, le 30 mars à 18h.

 

Théâtre 13

30 rue du Chevaleret

75013 Paris

 

Réservation : 01 45 88 16 30

www.théatre13.com

 

Tournée 

Le 11 avril : Houplines (59)

Le 12 avril : Annoeulin (59)

Le 13 avril : Marquette-lez-Lille (59)

Le 18 avril : Lezennes (59)

Le 19 avril : Mézières-sur-Oise (02)

Le 31 mai : Erquinghem (59)

Le 01 juin : Neuville-en-Ferrain (59)

Le 27 juin : Malaz (74)

Du 03 au 21 juillet : Festival off d’Avignon, Théâtre du Train Bleu (84)

 

 

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