article d’Anna Grahm

C’est d’abord à son ombre projetée sur le mur, que l’homme au chapeau s’adresse. Il marche et parle doucement. Il raconte l’histoire de quelqu’un qui arrive au paradis, qui voit la trace de ses pas sur terre qui parfois s’interrompt. Le poids de la vie est quelquefois si lourd qu’il a fallu le porter.

L’acteur poivre et sel a l’œil qui pétille, et chaque chose qu’il regarde, il l’effleure avec les yeux d’un enfant. Cette pluie dans les feuillages qui le ravit, convoque Verlaine. Nous voilà transportés par la grâce des mots. Nous voilà rêvassant, tapis comme lui, à l’affut de l’invisible.

Assis à son guéridon, il écrit à Nella. Dont on ne saura presque rien. Bercé par les bras maternels du silence, il lui dit le mystère du sommeil. L’importance de rester là, au bord de sa vie, la main de l’ange sur la bouche. Il écoute les variations de Bach, se laisse emporter, évoque Rilke. Se souvient du départ d’une déportée. Se demande quel geste faire ou retenir. L’homme relié au cosmos interroge le vent et la relativité de l’homme.

Sur la corde à linge, il accroche ses lettres et quelques dessins. Répète que la lecture combat la tristesse, que les livres consolent.

L’acteur et metteur en scène Gérard Étienne est un esthète qui évolue dans un espace monastique sur lequel il a pris soin de laisser planer une odeur d’encens. Le texte émaillé de références chrétiennes veut croire à la transcendance et l’ambiance très zen, à la fois intime et simple, fait loupe, permet d’accéder, de ressentir l’univers qui nous entoure de façon plus apaisée.

La langue de Christian Bobin est celle des refus. Il faut pour l’entendre fermer la porte des fureurs du monde, interrompre la vie ordinaire, pour s’en protéger, chausser ce regard naïf qui nous permettra de distinguer le bruit d’un sourire. Mais s’il parvient – un peu – le temps d’une heure, s’il cherche sans cesse le mot juste propre à interrompre le cours de nos jours, les pages de l’Histoire, elles, continuent de se tourner, et de nouvelles – qui auraient voulu garder cette légèreté, cette limpidité – sont noircies d’encre.

La vie passante
Texte Christian Bobin
Adaptation et mise en scène Gérard Étienne
Avec Gérard Étienne

Du 18 janvier au 19 avril 2015
les dimanches à 18 h

Du 19 au 03 février 2015
les lundi et mardi à 20 h

Théâtre Essaïon
6, rue Pierre au lard – 75004 Paris
Réservations 01 42 78 46 42
www.essaion-theatre.com

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