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La Vie Parisienne, de Jacques Offenbach, livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, mise en scène de Christian Lacroix, Théâtre des Champs Elysées

Déc 24, 2021 | Commentaires fermés sur La Vie Parisienne, de Jacques Offenbach, livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, mise en scène de Christian Lacroix, Théâtre des Champs Elysées

© Marie Pétry

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Et pif, et paf, et pif, et pouf ! Ainsi peut-on résumer La vie Parisienne de Jacques Offenbach dans sa version d’origine*, restaurée telle que voulue en 1866 mais amputée dès sa création par trop de couac chez les acteurs-chanteurs, et mise en scène avec une bonne dose de folie par Christian Lacroix. Ça tient du cabaret, du cirque et de la revue. Et fidèle à sa ligne artistique à nulle autre pareille, c’est un joyeux palimpseste qui le voit ajouter à l’œuvre originale et l’esprit de son époque une bonne touche de modernité des plus fantaisiste, voire baroque, sinon loufoque. Une patte Lacroix reconnaissable entre toutes, fortement colorées, métissées, chamarrées. Un mélange détonnant et irrésistible comme un patchwork acidulé. A l’image de ses somptueux costumes, qui abouche le Second-Empire à notre époque dans ce qu’elle a de plus créatif, c’est un entre-deux décalé avec un humour ravageur, une folie contagieuse, une excentricité électrique. Non sans gravité parfois ; les lendemains d’orgie sont toujours difficiles. Et dans ce décor de garde-meuble, d’accessoires de théâtre empilés, de toiles peintes défraîchies, qui facilite les changements de lieux, où là aussi on fait du neuf avec du vieux, Christian Lacroix impulse un formidable élan qui ne faillit pas. C’est d’ailleurs ce qui frappe, cette course frénétique qui de la Gare Saint-Lazare au Café de Paris entraîne nos personnages affamés de plaisirs et de sexes dans une ronde infernale que rien ne semble pouvoir arrêter. Pas de temps mort mais du mouvement, de l’allant, du galop. Une chorégraphie des corps minutieuse et réussie, ici un étonnant french-cancan pour ne pas faillir à la réputation, jusqu’au voguing matinée parfois d’acrobatie. Ces personnages sont sans cesse en représentation, jusqu’à représenter ce qu’ils ne sont pas. Jeux de rôles et jeux de dupe. La satire féroce de ce milieu mondain, bourgeois et demi-monde dans une même étreinte, est quand même au cœur de cet opéra-bouffe. Christian Lacroix l’a bien saisie qui théâtralise sans outrance mais avec une bonne dose d’ironie cet univers de faux semblant. Rien de réaliste dans sa mise en scène mais une dimension fortement théâtrale, voire de caf’conc, de cirque même, car il s’agit bien de ça d’un vaste cirque où chacun fait son tour de piste, où s’agitent deux clowns à la face blanchie, Gardefeu et Bobinet. De cet opéra-bouffe Christian Lacroix fait une formidable revue haute en couleur où sur les praticables qui ne quittent jamais le plateau, dans une mise en abyme subtile, chacun vient y faire son numéro comme à la parade. Sans que jamais Christian Lacroix ne lâche le fil de l’intrigue qui file ainsi fissa jusqu’au final. Les interprètes s’en donnent à cœur joie, tous épatants (quelques légères faiblesses toutefois pour certains, mais le plaisir étant là, passons). On retiendra ce soir-là (il y a deux distributions) Franck Leguérinel campant un Baron de Gondremark véritablement drôle, mais sans lourdeur, sans caricature et un vrai sens de la composition. Eléonore Pancrazi, Metalla capiteuse mais maîtresse-femme. Et Ingrid Perruche, Madame de Quimper-Karadec, à la folie impétueuse… Il faudrait les citer tous tant ils participent à un esprit de troupe pour donner à cette œuvre sa cohérence et surtout son extravagante folie, sa réussite. Dont Romain Dumas à la baguette dynamique participe grandement en électrisant dans la fosse d’orchestre les Musiciens du Louvre. On sort de cet opéra-bouffe tout ébouriffés, les jambes qui tricotent et les mirettes aveuglées de tant de couleurs. Et derrière le masque anticovid, le sourire jusqu’aux oreilles, de chanter (faux en ce qui me concerne) : Et pif, et paf, et pif, et pouf ! Voilà, voilà le bonheur est là.

*restauration effectuée à l’initiative du Palazzeto Bru Zane, d’après les écrits des librettistes.

© Marie Pétry

La vie Parisienne de Jacques Offenbach

Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy

Direction Romain Dumas

Mise en scène, costumes et décors Christian Lacroix

Collaboration à la mise en scène Laurent Delvert et Romain Gilbert

Chorégraphie Glysleïn Lefever

Lumière Bertrand Couderc

Chef de chant Frédéric Rouillon

Assistante décors Philippine Ordinaire

Assistants costumes Jean-Philippe Pons et Michel Ronvaux

Assistant chorégraphie Mikael Fau

Assistant lumière Julien Chatenet

Avec (distribution du 22 décembre 2022)

Florie Valiquette, Flannan Obé, Marc Mauillon, Franck Leguérinel, Marion Grange, Eléonore Pancrazi, Damien Bigourdan, Laurent Kubla, Elena Galitskaya, Carl Ghazarossian, Ingrid Perruche, Louise Pingeot, Marie Kalinine, Caroline Meng

Les musiciens du Louvre et leur Académie

Chœur de Chambre de Namur / Chef de chœur Thibaut Lenaerts

Danseurs Mikael Fau, Emilie Eliazord, Anna Beghelli, Lili Felder, Keyla Ramos-Barea, Arthur Roussel, Tigdy Château, Guillaume Zimmermann

Du 21 décembre 2021 au 9 janvier 2022

Théâtre des Champs Elysées

15 avenue Montaigne

75008 Paris

Réservations 01 49 52 50 50

www.theatrechampselysées.fr

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