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La Traviata de Giuseppe Verdi, direction musicale de Giacomo Sagripanti, mise en scène de Simon Stone, Opéra national de Paris (Opéra Bastille)

Jan 27, 2024 | Commentaires fermés sur La Traviata de Giuseppe Verdi, direction musicale de Giacomo Sagripanti, mise en scène de Simon Stone, Opéra national de Paris (Opéra Bastille)

 

© Vahid Amanpour

  

ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

La Violetta de Simon Stone n’est plus une demi-mondaine du XIXème, mais une influenceuse du XXIème, qui court autant après l’argent, la célébrité, et les plaisirs que La Dame aux camélias (1848), de Dumas, laquelle a inspiré La Traviata à Verdi. Cet opéra en trois Actes, ne cesse depuis sa création (quelques mois à peine après Le Trouvère, le deuxième opéra de la trilogie verdienne) en 1853 à la Fenice de Venise où il fit un « fiasco » pour reprendre les mots de Verdi lui-même, de fasciner, comme tous les destins universels des héroïnes tragiques, figures historiques ou anonymes. Il fut joué pour la première fois en français au théâtre italien trois ans plus tard, puis au Palais Garnier en 1926, mais seulement à partir de 1983 en italien à la salle Favart.

Même s’il est commun de souligner que Verdi a largement amoindri les aspects les plus moraux du roman, le compositeur étant lui-même confronté aux conventions sociales en raison de son ménage avec une ancienne chanteuse longtemps après son veuvage, La Traviata reste une œuvre extrêmement marquée par ce que nous qualifions aujourd’hui de patriarcat où la dimension sacrificielle de l’héroïne est extrêmement moralisatrice par son renoncement à l’amour vrai, comme un rachat de ses fautes passées et la mort qu’elle sait inéluctable (« Morro ! » à l’Acte II) au bout de son chemin de martyre ; « la dévoyée », celle qui a été de travers (traviata), condamnée inéluctablement par la société, accepte son destin avec une rhétorique divine récurrente.

L’intrigue est simple et bien connue, la ligne mélodique, où se multiplient les tubes, est elle aussi sans complexité, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne soit pas sans embûche pour les chanteurs (en particulier pour le rôle de Violetta qui demande une présence presque constante sur scène), ni sans attentes, du côté de l’orchestre (finement dirigé par Giacomo Sagripanti qui revient pour la dixième fois à l’ONP) et du Chœur. Si chacun peut avoir en tête, ou dans les oreilles, sa soprano colorature préférée dans le rôle de Violetta et éventuellement son Alfredo (en l’occurrence, le duo Anna Netrebko/Rolando Villazón reste pour la présente chroniqueuse indépassable), il faut reconnaître que la prestation de la sublime Nadine Sierra est captivante, tant sur le plan vocal que de son jeu. Les aigus sont parfaits, la fluidité et projection impeccables, et la comédienne est dans une harmonie parfaite avec la cantatrice, ce qui suscite des applaudissements nourris et mérités tout au long du spectacle, en solo notamment après le « Sempre libera » (l’un des airs les plus célèbres de Violetta à la fin de l’Acte I) ou en duo avec son amant Alfredo chanté par le ténor René Barbera, ou le père de celui-ci, Ludovic Tézier précité. Elle succède à Pretty Yende dans le rôle-titre dans la mise en scène de Simon Stone qui a été créée 2019 (à Garnier) dans une distribution largement différente (il n’y a guère que Ludovic Tézier qui revient dans le rôle de Germont) et dont il faut souligner l’ingéniosité dans un gigantisme imposant pourtant des défis techniques évidents. Sur un plateau tournant, une double cloison accueille des vidéos, des photographies et projections de fils de publications sur les réseaux sociaux, de courriers bancaires, renforçant le côté ultra réaliste déjà présent dans l’opéra dans son esprit d’origine, projeté dans le contemporain, et des décors apparaissant et disparaissant en quelques instants au fur et à mesure de la rotation du dispositif. Quand on sait qu’il s’agit d’une statue grandeur nature, d’une grande berline, d’un restaurant, d’un tracteur, on ne peut qu’applaudir aussi l’efficacité et la prouesse des équipes de machinerie. La vulgarité de la scénographie de certaines scènes (la scène de sexe sur le coffre de la voiture) ou des costumes (du chœur des bohémiennes et des matadors du deuxième finale de l’Acte II) est en parfait accord avec la nouvelle contextualisation de l’œuvre et tranche avec le final épuré revenant à la dimension divine qui est discrètement présente tout au long de cette célébration opératique du fatum et du sacrifice.

 

© Vahid Amanpour

 

La Traviata

Musique : Giuseppe Verdi

Livret : Francesco Maria Piave

Direction musicale : Giacomo Sagripanti

Chef des chœurs : Alessandro di Stefano

Mise en scène : Simon Stone

Décors : Bob Cousins

Costumes : Alice Babidge

Lumières : James Farncombe

Vidéo : Zakk Hein

 

Avec : Nadine Sierra, Kristina Mkhitaryan, René Barbera, Ludovic Tézier, Marine Chagnon, Cassandre Berthon, Maciej Kwaśnikowski et Alejandro Baliñas Vieites, Florent Mbia, Hyun-Jong Roh, Olivier Ayault

Durée : 3h05 (avec deux entractes)

 

Opéra Bastille

Place de la Bastille

75012 Paris

 

Jusqu’au 25 février 2024

www.operadeparis.fr

 

 

 

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