© Vincent Pontet, coll. Comédie-Française
ƒ Article de Corinne François-Denève
« Avis de tempête sur la salle Richelieu », « tsunami au Français » : on pourrait donner dans la métaphore météorologique. En fait de tempête toutefois, Robert Carsen a choisi d’encadrer frileusement les éléments déchaînés. Son Shakespeare doit se ranger dans une boîte grise, certes énorme, certes donnant une formidable perspective, mais ne laissant ouvertes que quelques petites fentes invisibles permettant l’entrée et la sortie des comédiens. C’est un choix assumé de Carsten, qui affirme avoir voulu figurer l’espace mental de Prospero.
Peu de magie ici. Il est vrai que Carsen utilise les artifices les plus vieux, et les plus beaux, que peut offrir le théâtre : apparition et disparition par une trappe, plafond qui s’ouvre à toute volée, ombres chinoises qui grandissent et rapetissent les hommes. Mais l’ensemble se joue dans un espace aseptisé et clinique, superbe camaïeu de gris bien impersonnel. Des flots déchaînés, on ne voit que des images en fond de scène, projetées sur un écran. C’est aussi par écran interposé que les déesses font leur apparition. La sorcellerie et les pouvoirs sont maintenus en bride. Les sons tonitruants, opératiques, sans doute, martèlent les effets et sont sans doute censés remplacer le merveilleux. De fait, la grande transgression semble être de lâcher Caliban dans l’orchestre, un soir de première parisienne, tandis que Prospero dérange les occupants d’une loge d’avant-scène, ou que l’on baisse le grand rideau noir pour jouer devant. Les habits militaires 1940, le lit d’hôpital du début, on croit bien les avoir déjà vus cent fois. Ils ne font qu’assécher la magie du texte – cette Tempête ne jaillirait donc que du cerveau exténué d’un Prospero plus très youplaboum.
Michel Vuillermoz ne peut que composer un Prospero fort honnête. On ne sait toujours pas pourquoi Ariel, déjà doté de pouvoirs magiques qui le rendent malheureux, doit aussi parler avec une diction apprêtée et artificielle qui ne doit pas contribuer à le rendre heureux non plus. Georgia Scalliet amène quelques sourires, à composer une Miranda qui s’extasie devant toutes les créatures. Thierry Hancisse est sous-exploité. Hervé Pierre, heureusement, passe par là de temps en temps en Trinculo. La traduction est de Jean-Claude Carrière – on peut de temps en temps bien l’écouter. Petit grain de 2h40, on est au moins bien assis, pas de quoi déclencher les alertes de la météo marine.
La Tempête, de William Shakespeare
Mise en scène Robert Carsen
Texte français Jean-Claude Carrière
Avec Thierry Hancisse, Jérôme Pouly, Michel Vuillermoz, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Hervé Pierre, Gilles David, Stéphane Varupenne, Georgia Scalliet, Christophe Montenez et Benjamin Lavernhe
Scénographie Radu Boruzescu
Costumes Petra Reinhardt
Lumières Robert Carsen et Peter Van Praet
Vidéo Will Duke
Son Léonard Françon
Dramaturgie Ian Burton
Collaboration à la mise en scène Christophe Gayral
Assistanat à la scénographie Philippine Ordinaire
Durée 2h40 avec entracte
Du 9 décembre 2017 au 21 mai 2018 à 20h30 en soirée, 14h en matinée
Comédie française (salle Richelieu)
Place Colette
75001 Paris
Réservations 01 44 58 15 15
comment closed