ƒƒ Article de Corinne François-Denève

Il y a une bonne dizaine d’années, on avait été éblouie par La Révolte, texte peu connu de Villiers de l’Isle Adam, alors mis en scène sur le splendide plateau de l’Athénée. L’espace était immense, suffisamment pour ouvrir sur les envies d’ailleurs d’Elizabeth, le personnage féminin, et en même temps le cadre était étroit, assez pour suggérer qu’elle étouffait dans son foyer. Il y a quelques années aussi on avait été très émue par la douceur butée de Julie-Marie Parmentier en Petite Catherine de Heilbronn, et on était bien sûre qu’elle saurait triompher dans ce nouveau personnage décrit par son mari comme une « petite barre de fer ».

Au Poche, évidemment, la configuration n’est pas la même. Un simple rideau de tulle blanche sépare les premiers spectateurs du plateau. Le premier rang a, si l’on peut dire, le nez dans l’intimité de ce ménage mal assorti. Rien de sotto voce dans cette querelle ; la lutte des cerveaux sera vociférante, résonance du petit espace oblige. La scénographie dessine un volume rectangulaire dans lequel bougent, un peu, les personnages. Au centre, une sorte de comptoir sert d’appui, et également d’élément de séparation, lorsque se profile la rupture. Il est vrai que les éclairages sont fins et subtils, qui viennent jeter une douce lumière sur tel élément nécessaire à la fable. Les costumes sont soignés ; Julie-Marie Parmentier ressemble à s’y méprendre à une « dame à l’hermine » inflexible et solitaire.

Il est sans doute fort intéressant d’opposer la carrure fatiguée d’Olivier Cruveiller à la fragilité gracile de Julie-Marie Parmentier : la différence d’âge est cruelle, et montre le côté monstrueux de ces mariages arrangés du XIX^e. Dans le couple, l’un est pragmatique et matérialiste, l’autre est rêveuse et spirituelle. Le heurt entre les deux personnages est toutefois rendu (faiblesse du texte, finalement ? espace inadapté ?) par une dissonance étrange entre deux styles de jeu : naturaliste chez l’homme, qui arrache des rires à l’assistance comme si on était chez Feydeau ; lyrique et tragique chez la femme, dans des tirades souvent déclamées face public, tellement difficiles et ingrates. L’étrange ambiguïté de cette pièce farouche et désespérée semble éludée ; la belle ouvrage se termine sur des applaudissements nourris et mérités, mais finalement paradoxalement très bourgeois.

La Révolte d’Auguste de Villiers de l’Isle-Adam

Mise en scène  Charles Tordjman

Avec  Julie-Marie Parmentier et Olivier Cruveiller

Scénographie  Vincent Tordjman
Création lumières  Christian Pinaud
Costumes  Cidalia Da Costa
Création musique  Vicnet
Maquillage et coiffure  Cécile Kretschmar
Collaboration artistique  Pauline Masson

Durée  1h15

A partir du 17 mars 2018, représentations du mardi au samedi à 21 h, dimanche à 15 h

Théâtre de Poche Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse
75006 Paris

Réservations  01 45 44 50 21
www.theatredepoche-montparnasse.com

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