ƒƒƒ Article de Victoria Fourel
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Crise économique, ego et manœuvres politiques font rage à Chicago. Sans réussite et sans argent, Arturo Ui doit faire sa place, et y parvient, entre menaces et promesses, malgré un tempérament et un parcours chaotiques.
Le plateau est fortement incliné, et une immense toile d’araignée fait rempart entre la scène et le public. Deux éléments de scénographie d’une force inouïe qui créent dès le départ une impression de vertige et de mal dans lequel on se prend, dans lequel on se vautre. Tout part de cette image. Ensuite, l’on passe de tableau en tableau avec rapidité, grâce à un plateau plein de volumes, sur lequel les moyens ont été mis aux bons endroits. Ce décor devra être inquiétant, beau, et un véritable terrain de jeu pour des acteurs. On est dans un univers qui tend vers le grand guignol, entre humour et spectacle horrifique, on pense aux méchants de bande-dessinée et de cinéma, au clown, bien sûr.
Et là où se situe le tour de force, c’est de parvenir à imprégner toute la scène et tout le texte de cette ambiance. Rien ne redescend, aucun comédien n’a la permission de relâcher la pression. Ils seront effrayants et ridicules, rien d’autre. On ne reconnaît parfois plus les traits des acteurs, et c’est tant mieux ! Ils sont méconnaissables, mis au service d’Arturo Ui, et non plus comédiens au Français. On reproche à la Comédie Française, et je n’ai pas fait exception, de ne pas prendre beaucoup de risques dans la direction d’acteurs, en se reposant sur la technique imparable de l’équipe. Impossible ici, d’en dire autant. Il y a une vraie unité dans la direction, tout est gros, tout est truqué, tout doit fasciner et horrifier.
Le spectacle se doit aussi d’être drôle, d’être enlevé, d’être fou. Un regard naturaliste aurait manqué sa cible. Il faut parler de la montée du fascisme, des mécanismes et des méthodes, mais aussi la singer, la tourner en ridicule. C’est d’une très grande richesse visuelle, donc, mais aussi de lecture, étant donné qu’on ne fait abstraction ni de l’ascension réelle d’Hitler, ni de l’histoire de fiction qui est racontée ici. Les deux ont une importance et sont traitées en parallèle.
Comme embarqué dans le mécanisme fou de la violence et du populisme, on rit puis l’on tremble de rire de choses si graves, on voit les ficelles d’un personnage ridicule mais l’on assiste à son ascension. Bien sûr, comme l’énonce Brecht d’emblée, cette ascension est résistible. A chacun de savoir garder l’œil ouvert pour ne pas le laisser faire.
La Résistible Ascension d’Arturo Ui
Texte Bertolt Brecht
Mise en scène Katharina ThalbachAvec Thierry Hancisse, Eric Génovèse, Bruno Raffaelli, Florence Viala, Jérôme Pouly, Laurent Stocker, Michel Vuillermoz, Serge Bagdassarian, Bakary Sangaré, Nicolas Lormeau, Jérémy Lopez, Nâzim Boudjenah, Elliot Jenicot, Julien Frison, Tristan Cottin, Pierre Ostoya Magnin, Marina Cappe, Ji Su Jeong, Amaranta Kun, et Axel Mandron.
Du samedi 1er avril au vendredi 30 juin.
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 14h.La Comédie Française
1 place Colette, 75001 Paris
Métro Palais-Royal, Musée du Louvre.
Réservation 01 44 58 15 15
www.comedie-francaise.fr
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