© Hubert Amiel

ƒƒƒ article de Toulouse

Une mise en scène brillante signé Milo Rau qui, à la manière d’une enquête policière et juridique sur un fait divers des plus sombres, nous ramène à la naissance de la tragédie.

Dans ce spectacle les comédiens ne font qu’osciller en la reconstitution d’un meurtre homophobe et violent, celui du jeune Ishane Jarfi, monté dans une voiture et battu à mort par trois hommes, et la construction de leur pièce de théâtre, accompagné d’un dialogue autour de cette question : « qu’est-ce que le théâtre ? » A ce propos, ils reviennent au début des auditions pour cette création, où les acteurs racontent et témoignent d’anecdotes délicieuses, ou encore interrogent directement le théâtre à la manière d’une « enquête performative (…) sur la plus ancienne forme d’art de l’humanité » pour reprendre les propos de Milo Rau. Ce dernier, avec tout le génie d’un détective, réalise ainsi un lien subtil entre l’origine du théâtre et un crime bien effroyable de façon tout à fait remarquable, et questionne le théâtre avec beaucoup de finesse.

Il y a bien sûr aussi la puissance du fait divers, qui nous fait tressaillir et place le réel à l’épreuve de la scène. En remontant les faits s’étant déroulés autour de la tragédie ayant frappée le jeune Ishane Jarfi, Milo Rau nous interroge également sur la banalité du mal, et dévoile des aspects aussi mystérieux qu’ordinaires, aussi sombres que lumineux concernant l’être humain. Bref, il fait de ce récit un mythe bouleversant, et rare sont les spectacles d’une telle qualité, d’une telle audace et d’une telle puissance.

La forme demeure pourtant très simple, mise à part l’usage très technique et expérimentée de la vidéo. Elle reste dans les logiques du témoignage, du récit quasi-journalistique et proche du documentaire, ne cherchant pas à tout prix l’avant-gardisme esthétique ou encore la « forme pour la forme. » Bien au contraire, ce format épuré de tout sensationnalisme se concentre davantage sur les bases qui font que le théâtre est un art du vivant, et va donc droit au vif du sujet pour nous parvenir de plein fouet. Remarquons tout de même que l’utilisation de la vidéo pré-enregistrée ou en direct est tout à fait étonnante, et joue avec nos perceptions de l’image réelle et celle que nous nous inventons. Les comédiens sont d’ailleurs doués en la matière, et pour le reste du spectacle de véritables maîtres dont le talent est indéniable.

On ressort en somme de ce spectacle littéralement bouleversé et heureux que le théâtre existe depuis des millénaires. Espérons encore qu’il persiste sous de tels chefs-d’œuvre…

Reprise, Histoire(s) du théâtre (I)

Conception et mise en scène  Milo Rau / IIPM

Avec Tom Adjibi, Sara de Bosschere, Suzy Cocco, Sébastien Foucault, Fabian Leenders, Johan Leysen

Dramaturgie et recherches  Eva-Maria Bertschy

Collaboration dramaturgique  Stefan Bläske, Carmen Hornbostel

Scénographie et costumes  Anton Lukas

Vidéo  Maxime Jennes, Dimitri Petrovic

Direction technique  Jens Baudisch

Lumières  Jurgen Kolb

Assistante à la mise en scène  Carmen Hornbostel

Du 22 septembre au 5 octobre 2018

Le mardi, mercredi, vendredi à 20h30

Le jeudi à 19h30, samedi à 18h30 et Dimanche à 16h30

Théâtre Nanterre-Amandiers

7 avenue Pablo-Picasso

92022 Nanterre Cedex

– RER A : Arrêt Nanterre-Préfecture

– Bus 160 : Arrêt Joliot Curie Courbevoie

– Bus 259 : Arrêt Théâtre des Amandiers

– Bus 159 : Arrêt Théâtre des Amandiers

Réservation au +33 (0)1 46 14 70 00

www.nanterre-amandiers.com

www.festival-automne.com

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