© Nadège Dupupet

ƒ article de Victoria Fourel

Une salle ordinaire, un peu froide. Une feuille de présence. Des patients et patientes. Commencent des rituels, des ateliers, un travail contre la tristesse, contre le malheur, contre on ne sait trop quoi. Chacun chacune traîne son spleen, mais va devoir se réinventer à l’arrivée d’un petit nouveau, tout aussi déprimé, mais qui change les relations et les dynamiques. Cette pièce s’attaque à un sujet qu’on aime voir au théâtre, la folie plus ou moins douce, et choisit l’angle de la comédie comme un petit défi.

Elle entre. Personnage de bande-dessinée. Elle s’appelle Jackie Kennedy. Elle n’arrive pas à faire le deuil de son mari, elle ne parle presque pas, mais elle a l’air perché. Et elle joue un tube pop au piano. Le ton est donné. Un autre entre. Un autre encore. Les quatre personnages sont tirés à quatre épingles, des touches de cas soc’, comme on dit, et nous embarquent dans un spectacle qui joue sur leurs bizarreries. On ne sait trop où ils se font soigner, mais ces quatre-là ont besoin de parler. Les échanges sont vifs, les dessins des personnages sont justes et grossiers à la fois. La direction est bonne. Et l’entrée du cinquième rebat les cartes. Laurent Diebold, qui incarne ce nouvel arrivant avec douceur et subtilité, fait que les personnages, tous plus malheureux et de guingois les uns que les autres, se regardent à nouveau. On aime voir la folie sur scène. C’est un terreau fertile, varié. On aime les cerveaux qui courent trop vite, les gens qui souffrent et ceux qui créent de belles choses avec ça. Et la psychiatrie, ou en tout cas le soin, est un terrain. Parce qu’on connaît peu ces lieux clos, parce que ce n’est pas la folie « sexy » de nos imaginaires, parce que ça parle de notre époque. Une époque de la course au bonheur, au mieux-vivre, une époque qui trouve tout le monde un peu fou au passage. Et que ce spectacle, un peu jeune mais plein d’entrain, la traite par l’humour ne peut que plaire.

Mais force est de constater que l’écueil se présente très tôt : le public s’accroche à tous les gags, à tous les passages humoristiques, à tous les clichés, même justes. Parfois cela rit fort, trop fort. On sent que le besoin que le spectacle renvoie de la psychiatrie un élan comique est trop appuyé. Résultat : les fêlures des personnages, les petits moments de grâce, passent parfois un peu inaperçu. Et ce n’est pas franchement de la faute des comédiens, qui tentent d’osciller entre les genres. Il y a des moments où les personnages dévoilent peut-être leurs troubles, mais où le public, mi-surpris, mi-gêné, préfère ne pas laisser de place. On ressort un peu frustré, parce qu’on aurait aimé se laisser davantage toucher, et que les héros moyens de cet atelier du bonheur nous touchent plus droit au cœur. La queue du Mickey, ici, c’est le bonheur. Qu’on pense avoir tiré une fois et perdu. Et qu’on cherche à retrouver, quitte à rester tout seul sur le manège. Une belle image, qu’en tout cas moi, j’ai entendue.

La Queue du Mickey
Texte : Florence Muller et Eric Verdin
Mise en scène : Laura Monfort
Musique originale : Thomas Servaux
Jeu : Etienne Bidaux, Florian Bosdure, Laurent Diebold, Manon Gallay et Clémentine Vincent

Du 19 et 20 avril 2023 à 20h30
Durée estimée 1h15

L’Instant T
35 rue Imbert-Collomès
69001 LYON

Réservation au 04 78 39 45 83
www.theatreinstantt.fr

Be Sociable, Share!

•