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La Peste c’est Camus mais la grippe est-ce Pagnol ? Performance des Chiens de Navarre, conçue par Jean-Christophe Meurisse, Théâtre des Bouffes-du-Nord

Oct 20, 2020 | Commentaires fermés sur La Peste c’est Camus mais la grippe est-ce Pagnol ? Performance des Chiens de Navarre, conçue par Jean-Christophe Meurisse, Théâtre des Bouffes-du-Nord

© Ph. Lebruman

 

fff article de Denis Sanglard

Un peu embarrassé là, votre chroniqueur. Dernier opus Des chiens de Navarre, plus enragés que jamais, La Peste c’est Camus mais la grippe est-ce Pagnol ? ressemble à s’y méprendre et comme deux gouttes de gel Hydroalcoolique à cet hilarant et caustique exercice de style qui était Regarde le Lustre et Articule soit une lecture de pièce qui n’existe pas, improvisation plus que foutraque, pages blanches tournée avec application et texte ânonné comme si… Bref on reprend la chose à l’identique à ceci près que la meute de nos chiens est augmentée. Il y a là les anciens et les nouveaux. On ne s’en plaindra pas, bien au contraire. Curieux de voir comment les uns et les autres vont s’amalgamer. Et comme annoncé, un invité surprise, ce soir-là c’était, échappé des Chiche-Capon, Frédéric Blin qui s’y collait, quelque peu dépassé par les événements mais cœur vaillant et ne rechignant pas à la tâche. Improvisation donc, pas plus de six autour de la table (tiens donc ! comme à la maison.) et se passant le relais de grés ou de force, en douceur ou avec chausse-trappes. Improvisation donc où il est question de pintades atteintes d’un mal mystérieux, de notre éminente confrère Fabienne Pascaud, du professeur Raoult, de conseil municipal, de conseil des ministres, de bergers et de moutons, d’homosexualité, d’immigration, de la Covid et de ce foutu couvre-feu arbitraire, et j’en passe… D’ailleurs à 20 heures pétantes surgit Jean-Christophe Meurisse sifflant sans ménagement la fin de la récréation. Retour brutal à la réalité.

Or donc ceci étant une reprise augmentée (on peut dire ça), autocitons-nous, reprenons ce que nous écrivions le 25 février 2014, ce qui nous évitera de se répéter.

« La pièce se fabrique sous nos yeux. C’est parfois franchement drôle, parfois laborieux, c’est du n’importe quoi. Le n’importe quoi c’est un peu leur marque de fabrique, cette explosion joyeuse et transgressive de la théâtralité et de ses codes. Oui, mais là ça coince un chouïa. L’impression confuse que l’exercice atteint ici ses limites. Peut-être parce que nous savons à quoi nous attendre et qu’évidemment la surenchère guette. Les chiens de Navarre sont sur le fil du rasoir, ça dérape souvent mais quelque chose ne fonctionne plus, ne fonctionne pas. Le niveau reste bas, les sujets patinent, aucun envol. Pas d’explosion. On le sait, l’improvisation ne s’improvise pas. Si Une Raclette et Nous avons les machines participent de l’improvisation – et là c’est du nanan – ces deux créations n’en sont que le fruit maturé. On peut objecter ici de la fragilité de l’exercice brut de coffre avec tous les défauts inhérents à ce genre de performance.

À moins, à moins que tout ceci ne soit foutrement organisé et que bernés nous soyons. On ne sait jamais avec les Chiens de Navarre… Donc reprenons à l’envers le raisonnement du méchant critique, on se dit alors que tout ça n’est que le carnaval grotesque des cuisines théâtrales, de la fabrication d’un évènement. L’envers possible d’Une Raclette.  En somme une parodie orchestrée de main de maître. C’est bien ça le problème avec Les Chiens de Navarre, on ne sait jamais si c’est du lard ou du cochon. La position du spectateur s’en trouve quelque peu agitée qui louvoie entre plusieurs positions dont celle de regarder le lustre et de laisser articuler ceux dont c’est sans doute le métier. Et que dire de celle du chroniqueur, de position, qui essaie tant bien que mal de saisir quelque chose au vol pour se raccrocher un tant soit peu à cette non-représentation avant d’écrire son désarroi, son impuissance devant un tel machiavélisme… ou ce foutage de gueule. »

Mais ça c’était avant. Parce qu’au regard de cette nouvelle et aléatoire création et des précédentes modérons grave notre propos. Et restons sur le second chapitre de cet article. Battons méchamment notre coulpe. Il ne s’agit plus ici des cuisines de leur métier mais comme à leur habitudes de chiens fous d’un regard mordant sur le monde. Les chiens de Navarre montrent les croc et happent au mollet, ne lâchent pas leur proie qu’ils déchiquettent jusqu’à l’os. Le rire énorme qui secoue la salle fait trembler avec bonheur la bienséance. Le monde, la société, rien n’échappe à leur regard aiguisé de Basilic. Même dans cet exercice périlleux de l’improvisation ce qui est avant tout célébré c’est cette liberté absolue de dire que le théâtre permet, quelle que soit la forme. Et de ça, avec leur foutu talent, indéniable, ils n’en démordent pas. Au vu de notre actualité désespérante, à l’heure des politiques incompréhensibles qui jettent la culture avec l’eau du bain sanitaire, des obscurantismes nauséabonds qui tue la liberté d’expression, ça fait un bien fou !

 

© Ph. Lebruman

 

La Peste c’est Camus mais la grippe est-ce Pagnol ? performance conçue par Jean-Christophe Meurisse

Avec les Chiens de Navarre et chaque soir des invités exceptionnels.

 

Du vendredi 16 au samedi 24 octobre à 19 h

Matinée les samedi et dimanche à 16 h

 

Durée 1 heure

 

 

Théâtre des Bouffes du Nord

37 bis boulevard de la Chapelle

75010 Paris

 

Réservations 01 46 07 34 50

www.bouffesdunord.com

 

 

 

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