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La Périchole, opéra-bouffe de Jacques Offenbach, livret de Meilhac et Halévy, mise en scène de Valérie Lesort, direction musicale de Julien Leroy, Opéra-Comique

Mai 18, 2022 | Commentaires fermés sur La Périchole, opéra-bouffe de Jacques Offenbach, livret de Meilhac et Halévy, mise en scène de Valérie Lesort, direction musicale de Julien Leroy, Opéra-Comique

 

© Stefan Brion

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

De la joie, de la joie, de la joie. Cette Périchole là, c’est bien le Pérou ! Mais où va-t-elle donc chercher tout ça ? Où puise-telle cette imagination sans limite et dingue, qui touche tant, vous donne une pêche d’enfer, vous ragaillardi ? Valérie Lesort frappe encore et fort avec cette Périchole pétillante, légère et mousseuse, follement drôle et vivement colorée comme une poignée de confetti, de paillettes, fourmillant de mille et un détails aussi subtils que toujours détonants, épatants d’invention et de dinguerie. Il ne manque rien ici, pas même quelques lamas facétieux qui chantent aussi bien qu’ils crachent. On le sait, quand Lama fâché… et paf, des souvenirs nous reviennent de notre enfance, Tintin et Le temple du Soleil évidemment. La Périchole n’est pas la Castafiore, sauf sans doute dans sa capacité à résister au dictateur et à la fausse note, mais les Dupond et Dupont font une apparition notable, notaires pour l’occasion. Aux jupes bouffantes en corolles des femmes de Lima répond les robes rigides des dames de la cour, qu’on croirait en pot et montées sur roulettes. Effets irrésistibles de drôlerie, surtout quand elles se « rétractent » ! Et sous les amples jupes folkloriques se cachent des merveilles de jupons insoupçonnés qui se révéleront au public dans un cancan endiablé. Là, des arrières trains de chevaux crottent avec nonchalance le plateau, ici des chiens savants font du vélo. Des cousines comme des triplettes à qui manquent juste d’être siamoises. Un chambellan coiffé de pains aux raisins pour macaron, version approximative de la princesse Leia, pas moins ridicule qu’un gouverneur – féroce ironie – déguisé en clown. Un vice-roi se rêvant en Barbe-Bleue sans doute mais n’ayant sur sa barbe en broussaille qu’une ridicule moustache postiche que n’aurait pas renié Yves Klein. Piquillo et La Périchole louchent du côté de Mickaël Jackson et penchent ainsi dangereusement sous le coup de l’ivresse… qui atteint aussi le décor qui godille à son tour. N’allons pas plus avant… Valérie Lesort puise çà et là dans notre imaginaire collectif, nos références culturelles, le livret d’Halévy et Meilhac dont elle fait son miel, son imagination fortement débridée, détournant et mixant allègrement tout ça avec un sens de l’humour, de la dérision, de la citation qui n’appartient qu’à elle et chaque tableau est un incroyable enchantement qui provoquent des lâchers de ho ! de ha ! de waouh !.. Il faut dire aussi que l’équipe qui l’accompagne n’a pas rechigné à la tâche pour emmener le public dans un manège enchanté. Chacun semble y être aller avec un enthousiasme communicatif pour faire de cette Périchole un pur moment festif, joyeux, où l’on ne s’interdit rien dans la fantaisie matinée de poésie, même la plus loufoque et la plus absurde. Les costumes de Vanessa Sannino oscillent entre le baroque le plus extravagant, le folklore revisité et le Bauhaus le plus austère, soulignant adroitement et avec un sens de l’humour caustique la position des uns et des autres. Les marionnettes de Carole Allemand ont toujours ce charme et cette magie enfantine. Les décors d’Audrey Vuong n’ont rien d’extravagant, deux praticables qui n’encombrent pas, à cour et jardin, mais efficaces, laissent tout loisir pour le chœur et les danseurs de nous offrir un véritable show. Car ce chœur chante excellemment mais incroyablement danse aussi, clin d’œil aux comédies musicales sans doute, entraîné par les chorégraphies de Yohann Têté. C’est donc fort frôle, fort enlevé mais Valérie Lesort ménage aussi de beaux instants plus graves où l’amour de Piquillo et de la Périchole et leur déveine, n’est plus de la galéjade, mais une affaire sérieuse que souligne la partition d’Offenbach, plus subtile qu’il n’y parait. L’amour et la faim, sont aussi une affaire sérieuse.

Julien Leroy, complice évident de Valérie Lesort, est à la baguette, une baguette qui voltige en entraîne avec elle l’Orchestre de chambre de Paris au diapason de la folie qui traverse l’œuvre et le plateau, et des interprètes survoltés, excellents acteurs de surcroît, pour cet opéra-bouffe, satire politique et sociale, opéra qu’on peut dire féministe avant #metoo où la Périchole ne s’en laisse pas conter devant un vice-roi tyrannique et lubrique. Une direction alerte qui joue des clins d’œil et des références qu’Offenbach lui-même truffe avec malice dans cette partition bien plus complexe qu’on ne le croit.

Stéphanie d’Oustrac s’empare de son personnage, la Périchole, avec un abattage certain mais aussi une élégance racée, une forte présence scénique. Très belle et puissante voix de mezzo-soprano alliée à un jeu d’actrice assurée, elle nuance son personnage avec beaucoup de subtilité et de finesse. Pour preuve la sobriété presque dramatique de l’air de la lettre qui lui permet d’offrir à ce personnage commun une noblesse certaine. Et la scène de l’ivresse, attendue, atteint ici une justesse et une clarté qui vous stupéfie et même vous bouleverse de tant de justesse. Face à elle, Philippe Talbot, voix claire, est un Piquillo extrêmement attachant, plus innocent que nigaud et dans son amour pour la Périchole d’une sincérité et sensibilité qui font mouche. Tous deux évitent la caricature, le côté un peu potache et superficiel, pour offrir un authentique et juste couple d’amoureux que souligne la partition, ils sont toujours au diapason. Le baryton Tassis Chrystoyannis, voix large d’une belle ampleur, campe un Don Andrès certes grotesque mais évite le ridicule par un juste sens du comique, ne débordant jamais de la situation. Le ténor Éric Huchet (Don Miguel de Panatellas) et le baryton Lionel Peintre (Don Pedro de Hinoyosa) sont aussi drôles que parfaits chacun dans leur rôle, histrionnant sans outrance leur personnage avec une belle tenue qu’allie leurs voix complémentaires. Marie Lenormand, Lucie Peyramaure et Julie Goussot, bel accord de voix, forment un trio gémellaire d’une grande force comique. Il est évident qu’une grande attention a été porté à la direction tant vocale que dramatique et c’est aussi la force de cette création de ne rien avoir laissé au hasard, lui donnant ainsi sa très grande cohérence. Sortir de l’Opéra Comique dans la nuit chaude, en chantonnant sur son scooter –  faux en ce qui me concerne – « Il grandira, il grandira parce qu’il est espagnol ! », être conscient d’avoir assisté là encore et devant la réaction unanime du public applaudissant à tout rompre, à un petit miracle (pourquoi petit ?) et se dire qu’encore une fois Valérie Lesort sans forfanterie aucune, juste par son talent inouï fait de malice et d’enfance a encore marqué de son empreinte pérenne les dernières créations de l’Opéra-Comique.

 

© Stefan Brion

 

La Périchole, opéra-bouffe de Jacques Offenbach

Livret de Meilhac et Halévy

Direction musicale : Julien Leroy

Mise en scène : Valérie Lesort

Décors : Audrey Vuong

Costumes : Vanessa Sannino

Lumières : Christian Pinaud

Chorégraphie : Yohan Têté

Marionnettes Carole Allemand

Assistante musicale : Emmanuelle Bizien

Chef de chant : Martin Surcot

Assistant à la mise en scène : Florimond Plantier

Assistante décors : Amélie Meseguer

Assistante costume : Karelle Durand

Assistant à la chorégraphie : Alexandre Galopin

Stagiaire mise en scène : Roman G. GroB

Avec : Stéphanie d’Oustrac, Philippe Talbot, Tassis Chrystoyannis, Eric Huchet, Lionel Peintre, Thomas Morris, Julie Goussot, Marie Lenormand, Lucie Peyramaure, Quentin Desgeorges, Julia Wischniewski*, Aimeric Biesemans,

Danseurs : Lucille Daniel, Alexandre Galopin, Véronique Laugier, Jocelyn Laurent, Maria McClurg, Gaétan Renaudin

Chœurs : Les éléments

Orchestre de Chambre de Paris

*membre du chœur Les éléments

 

Les 15, 17, 19, 21, 23 et 25 mai 2022

 

Opéra-Comique

Place Boieldieu

72002 Paris

 

Réservation 01 70 23 01 31

www.opera-comique.com

 

 

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