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La nuit juste avant les forêts, de Bernard-Marie Koltès, mise en scène de Matthieu Cruciani, théâtre Les Plateaux Sauvages

Nov 11, 2021 | Commentaires fermés sur La nuit juste avant les forêts, de Bernard-Marie Koltès, mise en scène de Matthieu Cruciani, théâtre Les Plateaux Sauvages

 

© Jean-Louis Fernandez

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault

Comment dire… Cette fois-ci, pour mieux décrire l’intensité d’une soirée, on aurait presque envie de « débuter » par la fin. La salle dans le noir, nous indique que c’est terminé, puis la lumière vient insister, et un silence minuscule, presque gêné par un ou deux applaudissements trop enjoués. Ces acclamations sont très vite rejointes, mais ce très court mutisme est significatif : sur ce texte de Bernard-Marie Koltès, Jean-Christophe Folly nous a plus que tenu, il nous a emporté.

La nuit juste avant les forêts a été écrit en 1977. Un homme passe ses nuits dans des chambres d’hôtels, un homme perdu ou un homme clair, refusant l’univers violent et faux, l’univers dangereux et si mauvais qui cherche à le détruire. Un soir, il pleut et les hôtels n’existent plus, sont pleins, ou le laissent dehors. Il est comme errant dans un hangar où le béton est victorieux, le vide également, le sale et l’eau glissent partout, autour de lui, sur lui, en lui. Cet homme est seul, comme seul sur Terre, il sait se battre pourtant, cogner, se défendre mais ce soir, c’est comme si tout se cassait la figure, il doit crier sa force et sa vérité, il ne sait pas trop pourquoi, pas trop comment, mais il le doit, il doit dire, alors oui il cherche « (…) une chambre pour une nuit, une partie de la nuit, si on le veut vraiment, si l’on ose demander, malgré les fringues et les cheveux mouillés, malgré la pluie qui ôte les moyens (…) ». Il aperçoit un homme au loin, lui court après, le rejoint et lui raconte, lui explique. Jean-Christophe Folly est seul et nous raconte, la salle est quasiment l’homme d’en face, presque sous la pluie aussi.

Le texte défile, court, ne s’arrête qu’une fois ou deux, se retourne, revient en arrière pour mieux prendre son élan, il cherche à nous faire accepter d’ouvrir nos portes. La solitude contre cette multiplicité dangereuse, périlleuse. Mauvaise. Jean-Christophe Folly joue de la tête aux pieds. Nous « écoutons » son visage, son corps, nous « regardons » sa voix, qui sait être ferme, suppliante, désespérée et sûre d’elle. Voix et corps s’enlace pour supplier, expliquer la perte ailleurs et le secours là, et ce minuscule besoin de dormir quelques heures, loin de cette terreur. Les histoires se suivent, non-stop, illustrant avec justice et justesse comment tourne le monde. Celui qui fait croire qu’il fonctionne, celui qui passe pourtant à côté de l’essentiel. Et dont cet homme devant nous, cet homme refusé, cet homme qui refuse, cherche à s’en abriter, en croyant que quelqu’un, là, juste en face, tout près, pourrait comprendre et donner la main, lui faire croire un millième de seconde que le monde n’est pas foutu, pas complètement.

Il pleut sur scène, oui, cet homme est trempé pour de vrai, se roule ou tombe dans une flaque d’eau, méchante image du monde et des autres ? Les piliers de béton aux angles parfaits seraient-ils les restes froids du monde ? La terre est là aussi, cette terre qu’une femme a avalée, cette terre qui nous transforme en boue néfaste, sans aucun doute. Cette soirée dégouline. De temps en temps on en sort, pour ne pas se noyer, et l’on s’y replonge avec un grand coup de pied aux fesses, comment tenter de fuir ? Et la musique aussi,  tombe idéalement liée à ce texte et à ce jeu. Elle assassine ici, soutient là, envenime, nocturne, toutes ces histoires, ces appels qui tentent de faire croire qu’on a bien un homme sous les yeux. Elle est comme la seule présente sur scène, aussi.

Et donc pour revenir aux applaudissements, ils cessent forcément à un moment donné, il faut aller marcher nous aussi sous la pluie, même si elle n’existe pas ce soir. Et dans le noir, au lointain, comme une silhouette ne sachant pas non plus comment redescendre. Dans le noir. Immobile. Comme nous. Allez savoir ?

 

© Jean-Louis Fernandez

 

 

La nuit juste avant les forêts, écrit par Bernard-Marie Koltès

Mise en scène : Matthieu Cruciani

Assistanat à la mise en scène : Maëlle Dequiedt

Musique : Carla Pallone

Scénographie : Nicolas Marie

Costumes : Marie La Rocca

Lumières : Kelig Le Bars

Avec Jean-Christophe Folly

 

 

Du 8 au 20 novembre 2021

Du lundi au vendredi à 20 h, le samedi à 17 h

Durée 1 h 25

Les Plateaux Sauvages

5 rue des Plâtrières, 75020 Paris

Réservations : 01 83 75 55 70 de 10 h à 13 h et de 14 h à 18 h
info@lesplateauxsauvages.fr 

www.lesplateauxsauvages.fr

 

En Tournée :

Théâtre du Peuple, Bussang (88) les 22 et 23 octobre 2021

Comédie de Reims – CDN (51) du 30 novembre au 3 décembre 2021

Comédie de Caen – CDN de Normandie (14) du 5 au 7 janvier 2022

Le Manège – Scène nationale de Maubeuge (59) le 10 mars 2022

Théâtre des Quartiers d’Ivry – CDN du Val-de-Marne (94) du 22 au 26 mars 2022

Scènes du Jura – Scène nationale (39) le 3 mai 2022

 

 

 

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