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La (nouvelle) ronde, mise en scène de Johanny Bert, texte de Yann Verburgh, au Théâtre des Abbesses.

Jan 23, 2023 | Commentaires fermés sur La (nouvelle) ronde, mise en scène de Johanny Bert, texte de Yann Verburgh, au Théâtre des Abbesses.

 

© Christophe Raynaud de Lage

fff article de Denis Sanglard

 

Enfin sur un plateau parler de sexe et ne jamais édulcorer la chose, montrer jusqu’à l’acte lui-même, dans tous ses états, sans nulle censure et nul tabou. Dernière création de Johanny Bert, après le réjouissant cabaret Hen, la (nouvelle) ronde, référence à la pièce homonyme d’Arthur Schnitzler, dresse un jouissif panorama de nos pratiques amoureuses et intimes contemporaines. Le désir, l’amour et le sexe comme affirmation identitaire, enjeux sociétaux où le corps détaché de toute contingence est politique, forcement politique. Cette création est jubilatoire, obscène, magnifiquement obscène au sens où elle fait basculer justement l’intime dans le champs public, met le corps en scène jusque dans sa jouissance, cristallisant de même nos interrogations, nos contradictions et nos fragilités, crispant une société rétive et réactionnaire où la question du corps et de son contrôle participe de la domination politique sur la société. Que ce soient des marionnettes, manipulées par des acteurs, permet justement cette jubilatoire transgression, cette liberté, non seulement de parler crû, mais de passer à l’acte sans pudeur dramaturgique. On ne se contente pas ici de parler, on baise aussi.

Mais on aurait tort de ne retenir que ça. Parce que ça, justement est toujours en situation, rien de gratuit, jamais. Et qu’il est question aussi beaucoup d’amour et de la place que le sexe y occupe, ou pas. Ce qui est raconté avec sensibilité et justesse, ce sont des parcours de vie croisées où la sexualité participe de la révélation de soi. Hétéro, homo, bi, asexuel, jeunes, vieux, cisgenre, transgenre, binaire ou non… Hommes fragiles ou femmes puissantes, c’est une ronde inclusive où jouir est un acte libératoire, qui ose s’affranchir des tabous pour atteindre une vérité, une conviction intime participant de la construction de soi. Il n’y pas jusque la mort qui ne soit évoquée, où la petite mort rejoint la grande dans la volonté d’en finir, le dernier acte d’une vie liant en un geste d’amour Eros et Thanatos. Johanny Bert signe avec Yann Verburgh à l’écriture une création qui n’édulcore rien, foutrement transgressive et subtilement subversive, mais laisse place aussi à la poésie. S’envoyer en l’air n’est pas qu’une expression ici qui voit nos amants planer pendant le coït. Et on ne s’étonne pas de découvrir une centaure en domina. Encore moins d’un sexe démesuré servir de lasso. Même un rapport sexuel dans les toilettes sordides d’une boite de nuit sont l’occasion d’une mise en scène stupéfiante où si l’on ne voit rien de l’acte, urinoirs, cuvette de wc et rouleau de papiers prennent en charge ardemment cette partie de jambes-en-l’air. Et, ô douce ironie, le seul humain qui traverse cet univers est réduit à n’être qu’un androïde, objet sexuel répondant à tous les fantasmes avoués de nos marionnettes. Nous tairons, non par pudeur, l’usage particulier qui en est fait ici. La mise en scène inventive, les tableaux se succèdent en glissant, l’esthétique extrêmement soignée de la scénographie, l’écriture fine puisant sa source dans des témoignages originaux, la musique en live et surtout les marionnettes à qui nous prêtons très vite une personnalité, un vrai caractère qui nous font oublier la manipulation par  les comédiens qui prêtent avec justesse leur voix en s’effaçant derrière elles, participent à la réussite de cette carte contemporaine du tendre revisitée version hardcore, cette ronde où jouir sans entrave n’est que l’affirmation frondeuse et vitale de notre identité et liberté.

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

La (nouvelle) ronde, conception et mise en scène de Johanny Bert

Commande d’écriture à Yann Verburgh (à l’exception de la scène 6 écrite par l’équipe du spectacle)

Collaboration à la mise en scène : Philippe Rodriguez Jorda

Scénographie : Amandine Livet, Aurélie Thomas

Construction décors : Atelier Théatredelacitée, Fabrice Coudert

Création costumes : Pétronille Salomé, assistée de Manon Gesbert, ADéle Giard

Création lumières : Gilles Richard

Création son : Tom Beauseigneur

Création des marionnettes : Laurent Huet, Johanny Bert

Assistés de : Camille d’Alençon, Romain Duverne, Judith Dubois, Pierre-Paul Jayne, Alexandra Leseur, Ivan Terpigorev

Avec : Yasmine Berthoin, Yohann-Icham Boutahar, Rose Chaussavoine, Georges Cizeron, Enzo Dorr, Elise Martin,

Composition et musicienne en scène : Fanny Lasfargues

 

Du 20 au 28 janvier 2023

A 20h, le dimanche à 15h.  Relâche le lundi 23 janvier

Les Abbesses / Théâtre de la Ville

31, rue des Abbesses

75018 Paris

 

Réservations : 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

 

 

 

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