ƒƒƒ article de Victoria Fourel
L’amour, l’amour, l’amour. À l’heure de la libération et aussi de la peur, des supposés phénomènes de mode, et des supposées fins du monde. Ce sont des marionnettes qui nous font traverser les corps et les rues dans une fresque urbaine et moderne.
Il y a souvent quelque chose de troublant dans les premières minutes d’un spectacle de marionnettes. Notre œil s’adapte aux lumières et aux angles de vue, aux articulations et aux silhouettes juste derrière. Sur une toile vierge qui sert de castelet, où des décors minutieux défilent et où les volumes apparaissent au fur et à mesure des scènes, on oublie très rapidement que les marionnettes ne fonctionnent pas toutes seules. Quelle beauté dans ces personnages, entre l’ultra-réalisme et la bizarrerie. Ils sont frappants, car ils nous parlent immédiatement tout en étant des sortes de créatures un peu hybrides, à la frontière de ce qui est possible. Les manipulations sont d’une précision qui n’a d’égale que celle du jeu. D’ailleurs, il y a quelque chose de très virtuose dans le jeu des comédiens. On entend les souffles, le plaisir, les sourires, les orgasmes. On ne plaisante pas du tout. Et donc, on oublie que ce ne sont pas les marionnettes qui vivent tout ça et que des artistes sont derrière.
Il faut aussi tout de suite évoquer une chose. On parle finalement vraiment rarement de cul au théâtre. Pas d’amour, pas de sexe. De cul. De toutes ses formes, de toutes ses couleurs, de toutes les dimensions qu’il prend aujourd’hui. En 2022, quand le féminisme, le wokisme, même, sont sur toutes les lèvres, que tout semble être à portée d’écran tactile, où des mots existent pour tous les penchants. BDSM, polyamour, plans-culs, traditions et transgressions, adultère et soumission… Dans ce spectacle, on explore, on y va, on décrit, on documente. Tout semble permis. Et cela donne des moments très drôles, d’autres très touchants, et encore certains, très bizarres. Et tant mieux. On retient des corps parfois coupés en morceaux par le plaisir, on retient un clitoris géant et dansant, on retient un humanoïde à mourir de rire.
On espère que des tas de gens verront ce spectacle. Pour partir à la découverte d’un théâtre qui ne choisit pas entre le décalage et le réalisme, pour être un peu secoué, pour rire, pour apprendre des choses, peut-être. Pour voir des scènes d’amour sur un plateau, pour entendre des trucs qu’on croyait déjà dits. Et qui finalement font du bien à entendre.
La (Nouvelle) Ronde, de Johanny Bert
Texte Yann Verburgh d’après La Ronde d’Arthur Schnitzler
Dramaturgie : Olivia Burton
Composition musique : Fanny Lasfargues
Collaboration mise en scène : Philippe Rodriguez Jorda
Scénographie : Amandine Livet, Aurélie Thomas
Costumes : Pétronille Salomé, Adèle Giard (assistante)
Lumière : Gilles Richard
Son : Tom Monseigneur
Marionnettes : Johanny Bert, Laurent Huet & son équipe
Avec Yasmine Berthoin, Rose Chaussavoine, Enzo Dorr & les comédien.ne.s de la Jeune Fabrique : Yohann-Hicham Boutahar, George Cizeron, Elise Martin
Du 12 au 15 octobre 2022
Durée 1 h 45
Le mercredi et le vendredi à 20 h, le jeudi et le samedi à 19 h 30
Théâtre de la Croix-Rousse
Grande salle
Place Joannes Ambre
69004 LYON
Réservation au 04 72 07 49 49
www.croix-rousse.com
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