© Brigitte Enguérand

ƒƒ Article de Sylvie Boursier

Didier Sandre nous invite chez lui, pour un moment d’intimité avec Claudel. Leur relation est ancienne et leur complicité nous touche, quelle que soit notre profession de foi. Le comédien connait chaque grain de peau de ce texte tel un être aimé, en a gouté la suavité, l’exaltation, la poésie et par sa bouche le verbe se fait chair. Ministre plénipotentiaire au Brésil à 50 ans, Paul Claudel rédige cette confession en 1917, mélange de réflexions sur l’Europe en guerre, la luxuriance de certains paysages exotiques, sa foi, ses doutes et sa solitude. La prose est rimée et suit le rituel liturgique de la messe dite de Pie V.

La messe là-bas n’est pas un texte facile, Golgotha d’hermétisme par instant si Didier Sandre n’avait pas décomposé chaque strophe comme une partition musicale, balancements de la houle, ondulations des palmiers, allégresse et humour. On songe à ces mots de Grotowsky « nous sentons qu’un acteur atteint à l’essence de sa vocation quand il s’engage dans un acte de sincérité […] modelé dans un organisme vivant, des impulsions, une manière de respirer, dans un rythme de pensée et la circulation du sang ». Beauté du silence entre les stances, un théâtre de l’être avec 3 tabourets et quelques paravents. Le comédien aux pieds nus dessine d’une main les méandres invisibles d’une pensée suspendue qui peut s’amuser des « chrétiens du dimanche » et de leur pratique d’habitude, « ce n’est pas que ce soit intéressant, et ce n’est pas positivement que l’on s’ennuie, chacun sait simplement qu’on est là pour attendre que ce soit fini », pour l’instant d’après s’adresser d’homme à homme à Rimbaud dont il loue la recherche passionnée de vérité dans l’art « Rimbaud, pourquoi t’en vas-tu, et pourquoi est-ce toi une fois de plus comme sur les images, l’enfant qui quitte la maison vers la ligne des sapins et vers l’orage ».

Un homme, un texte, tout simplement.

© Brigitte Enguérand

La messe là-bas, de Paul Claudel

Conception et interprétation : Didier Sandre.

Collaboration artistique : Éric Ruf

Lumières : Bertrand Couderc

Conception musicale : Othman Louati

Durée : 1h

Jusqu’au 25 juin à 18h30 au Studio de la Comédie- Française

Galerie du Carrousel du Louvre

99 rue de Rivoli 75001 Paris

Réservations 01 44 58 15 15
www.comedie-francaise.fr

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