ƒƒ article de Florent Mirandole

© Brigitte Enguerand

Il n’est pas facile de grandir dans un pays où Pierre Fresnay est un « modèle masculin ». Cette confidence de Serge Daney ouvre la lecture de l’entretien qu’a donné Serge Daney à Régis Debray en 1992, quelques mois avant sa mort. Le comédien Nicolas Bouchaud reprend le texte de l’interview pour retracer à grands traits la vie de ce critique de cinéma radical et passionnant, pilier des Cahiers du cinéma et de Libération entre autres.

La force et la clarté du discours de Serge Daney s’imposent dès les premières minutes. Nicolas Bouchaud est là avant tout comme « passeur », terme que Serge Daney utilisait pour se décrire. L’intelligence du comédien est d’accompagner ce discours, en reprenant simplement le débit souvent rapide du journaliste. Le comédien se fait plus présent lorsqu’il s’agit d’imiter les personnages de Rio Bravo, film de référence pour Serge Daney et sa génération, et dont des extraits sont diffusés sur le fonds de la scène. Une mention tout particulièrement à l’imitation de Dean Martin, cow-boy alcoolique et tremblant imité avec appétit par Nicolas Bouchaud.

Au-delà des éléments biographiques de l’interview, comme le récit d’un périple improbable à Hollywood dans les années 1950, cette interview s’intéresse aussi à la place du cinéma au XXème siècle. Coincé entre la Seconde Guerre Mondiale et l’arrivée de la télévision, Serge Daney a été l’acteur d’un âge d’or de la critique, peut-être parce que le cinéma permettait encore de « s’émerveiller » selon ses propres termes. Il en découle une réflexion sur l’importance de la transmission à travers le cinéma et de sa capacité à aider à mieux vivre en société.

C’est cependant la dernière partie du spectacle qui reste la plus actuelle, alors que le critique s’attaque à la télévision. Aussi passionnant que tranchant, Serge Daney dresse un véritable réquisitoire contre la télévision en général et le JT en particulier, machine à trahir les émotions et transformer la vérité. Si cette critique apparaît un peu datée au premier abord, on se demande si elle n’est finalement pas plus vraie encore aujourd’hui à l’heure d’Internet. Et l’on sort de la salle du Carreau du temple en se demandant si nous ne nous sommes pas trop habitués à la médiocrité. Il est temps de revoir Rio Bravo.

La loi du marcheur
Un projet de et avec Nicolas Bouchaud
D’après Serge Daney, Itinéraire d’un ciné-fils – entretiens réalisés par Régis Debray, un film de Pierre-André Boutang et Dominique Rabourdin
Mise en scène Éric Didry
Collaboration artistique Véronique Timsit
Lumière Philippe Berthomé
Scénographie Élise Capdenat
Son Manuel Coursin
Vidéo Romain Tanguy, Quentin Vigier
Régie générale Ronan Cahoreau-Gallier
Production Théâtre du Rond-Point

Du 28 mars au 18 avril, à 20h30
Les 29 mars, 4, 12 et 18 avril, à 16h
Relâche les lundis, les 31 mars, 1er, 9, 10, 14 et 15 avril

Le Carreau du temple
4 rue Eugène Spuller –75003, Paris
Metro Temple
Réservation 01 83 81 93 30
www.carreaudutemple.eu

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