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La guerre n’a pas un visage de femme, d’après Svetlana Alexievitch, mise en scène de Julie Deliquet, au Théâtre Gérard Philipe, de Saint-Denis

Sep 29, 2025 | Commentaires fermés sur La guerre n’a pas un visage de femme, d’après Svetlana Alexievitch, mise en scène de Julie Deliquet, au Théâtre Gérard Philipe, de Saint-Denis

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

ƒƒƒ article de Sylvie Boursier

Pendant sept ans, Svetlana Alexievitch a collationné les témoignages de femmes tankistes, snipers, démineurs, aviatrices, brancardières, infirmières, médecins, fantassins, agents de transmission, etc., qui, confrontées à la violence de l’invasion hitlérienne, s’engagèrent dans L’Armée Rouge pour défendre leur terre. La fleur au fusil, ces jeunes filles, amoureuses, drôles, révoltées, pleines d’espoir, n’hésitèrent pas une seconde : « Nous étions si heureuses, nous avions des projets si grandioses : les études que telle ou telle allait entreprendre, la fac où on allait s’inscrire, l’avenir qui nous attendait … maman a dit : « défendons d’abord la patrie, on verra le reste après ! ». L’auteur sillonne toute la Russie, expliquant qu’il était plus facile d’interviewer les survivantes seules plutôt qu’en groupe car elles se livraient plus.

Julie Deliquet rassemble ce qui était séparé, parie sur le collectif et met en scène Svetlana Alexievitch, en accoucheuse d’une parole chorale enfin libérée. Blanche Ripoche est cette femme-oreille, cette plume face à des combattantes de cinquante à soixante-dix ans invisibilisées à leur retour par l’état soviétique. Plus qu’un témoignage, l’écrivain, stylo à la main, construit une œuvre.  On voit les récits s’ébaucher, se chevaucher, la force d’un groupe soudé grâce à l’empathie extrême d’une jeune fille de 25 ans. Valentina, Olga, Antonina, Tamara, Alexandra, Lioudmilla, Nina, Zinaïda se rencontrent, se répondent, bégaient, se coupent la parole, s’écoutent, se taisent, bafouillent et s’approprient leurs histoires. Vissées sur leur chaise au début, elles prennent tout l’espace ensuite, des vagues de souvenirs les emportent, le front, le corps, l’amour, la mort, le retour. Elles découvrent la puissance du verbe, qui se fera littérature. « Note bien ceci » ou « Ça, il ne faut pas le dire ». Julie Deliquet, assistée de Julie André et de Florence Seyros, construit une odyssée épique sur le quotidien des femmes en temps de guerre. Aucune ne se ressemble. Certaines se sentent souillées d’avoir tué, mutilé, d’autres s’en sont accommodées et ont refait leur vie en assumant leurs actes. Prosaïque, humble, sans fioritures, la mise en scène met l’accent sur la spontanéité des échanges dans un appartement communautaire encombré d’un capharnaüm de casseroles, passoires, matelas, valises… assez typique des années 1970. La crudité des horreurs traversées cohabite avec la poésie qui s’infiltre jusque dans les ténèbres. « Quand je mourais de froid au point de sentir ma rate geler dans mon ventre, dit l’une d’elle […] Quand j’étais sur le point de perdre connaissance, je demandais, Micha, déboutonne ta pelisse, réchauffe-moi. Il me réchauffait, alors ça va mieux ? […] je n’ai plus jamais rencontré cela dans ma vie. »

Julie Deliquet a-t-elle cherché des textes qui pouvaient correspondre à chacune de ses comédiennes qu’elle connait bien ? On pourrait le croire tant leur présence semble évidente, tant elles prennent soin les unes des autres, investies dans d’autres vies que la leur, l’histoire oubliée de près de 800 000 femmes, incarnée parfaitement dans le rire et les larmes, avec les mots de tous les jours.

Ces combattantes avaient espéré qu’après de pareilles épreuves, l’humanité se transformerait. Il n’en a rien été. À défaut elles pensaient que leurs témoignages serviraient à quelque chose. Que nenni ! Ce spectacle bouleversant pose la question du sens de l’engagement, de la valeur d’une vie, on se dit aujourd’hui que le temps est revenu en arrière, que nous vivons une époque de seconde main quand les Ukrainiennes montent au front pour défendre leur patrie. Qui recueillera leur témoignage après ? La guerre a un visage de femmes, regardez-les !

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

La guerre n’a pas un visage de femme, d’après Svetlana Alexievith

Mise en scène : Julie Deliquet

Version scénique : Julie André, Julie Deliquet, Florence Seyros

Lumière : Vyara Stefanova

Scénographie : Julie Deliquet, Zoé Pautet

Costumes : Julie Scobeltzine

Avec : Julie André, Astrid Bayiha, Evelyne Didi, Marina Keltchewsky, Odja Llorca, Marie Payen, Amandine Pudlo, Agnès Ramy, Blanche Ripoche, Hélène Vivies

Durée : 2h30

 

Théâtre Gérard Philipe

59, boulevard Jules Guesde

93000 Saint-Denis

 

Réservations

01 48 13 70 00

www.tgp.theatregerardphilipe.com

 

Tournée :

8 et 9 janvier 2026 : Théâtre National de Nice

14 et 15 janvier 2026 : Maison de la culture de Grenoble

Du 21 au 31 janvier 2026 : Théâtre des Célestins, Lyon

4 et 5 février 2026 : Comédie de Saint-Etienne

10 et 11 février 2026, théâtre de Lorient

Du 18 au 20 février 2026 : Comédie de Genève

Les 25 et 26 février 2026 : Scène nationale Chambéry Savoie

Du 3 au 7 mars 2026 : Théâtre de Dijon Bourgogne

Les 11 et 12 mars 2026 :  Comédie de Caen

Les 18 et 19 mars 2026 : Le grand R, scène nationale, La Roche-sur-Yon

Le 27 mars 2026, L’archipel : Scène nationale de Perpignan

Du 31 mars au 3 avril 2026 : Théâtre de la cité, CDN de Toulouse

Du 8 au 10 avril 2026 : CDN de Reims

Le 14 avril 2026 : La ferme du Buisson, Scène nationale Noisiel

Le 17 avril 2026 : Espace Marcel Carné, Saint Michel sur Orge

Du 22 au 24 avril 2026 : CDN de Besançon

Les 28 et 29 avril 2026 : Scène nationale de Lille, Métropole Villeneuve d’Ascq

Le 5 mai 2026 : Equinoxe, Scène nationale, Châteauroux

 

 

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