© Yannick Debain
ff article de Denis Sanglard
Femmes en résistance. Dans un futur proche un gouvernement patriarcale élu démocratiquement, le GRAF, Grand Retour aux Fondamentaux, est au pouvoir. Yan Moix en est le président, Michel Houellebecq le ministre de la culture. Roman Polanski a désormais sa place, Gérard Depardieu son avenue… Aux machistes, harceleurs, agresseurs et violeurs, la France reconnaissante. Et les premières mesures visent à priver les femmes de leur citoyenneté, de leurs droits et de l’accès au travail, de les renvoyer dans leur cuisine. Mais un groupe résiste, Souterraines mais Souveraines. Réfugiées dans un sous-sol elles mènent diverses actions pour aider les femmes et déstabiliser ce gouvernement ultra masculiniste. A l’occasion de la journée de l’Homme, et de l’érection d’un phallus signé Jeff Koons place Olivier Duhamel, un attentat se prépare. Mais doit-on faire usage de la violence ?
La femme n’est plus l’avenir de l’homme, avec le GRAF elle n’existe plus. Céline Fuhrer et Jean-Luc Vincent signent une comédie dystopique féministe, subversive, politique forcement, trempée dans le vitriol. Et pour ceux qui ignoreraient tout du féminisme, il y en a, pour qui les femmes sont un mystère, il y en aura toujours, il ferait bon de trainer ses pénates au Théâtre du Rond-Point où quatre activistes entrent en résistance, remettent les pendules à l’heure et font acte de pédagogie féministe pour les nuls (et soulignons-le, non les nul.le.s). Cette comédie un peu bancale, ce n’est pas trop grave le sujet et son urgence importe plus ici que la forme, a le mérite premier de réussir à ne pas être ennuyeuse, ce serait un comble, en posant frontalement les questions qui grattent sévère à l’aune d’une époque furieusement réactionnaire qui des droits des femmes ferait volontiers l’impasse, quand elle ne le fait pas déjà ( une pensée pour l’Argentine, dernier pays à remettre en cause la loi sur l’avortement et supprimant de facto le ministère des femmes). Simone de Beauvoir avait prévenu, à la moindre crise politique ou économique tout serait à recommencer.
Ça peut hérisser, ça peut rebuter, ça peut paraître pesant mais Céline Fuhrer et Jean-Luc Vincent évitent de ne pas trop alourdir la charge et signent une comédie abrasive et grinçante au final réjouissante et salutaire. Simone, Delphine, Ava et Françoise, quatuor souverain et souterrain qui n’est pas sans faire penser, évidemment, à Simone de Beauvoir, Delphine Seyrig, Virginie Despentes (ou Alice Coffin et Annie Lebrun) et Françoise Dolto, mordent et déchiquètent à pleine dent le patriarcat rance, dont elles dénoncent les outrances réactionnaires, les dérives masculinistes et les coups de boutoir machistes. Céline Fuhrer et Jean-Luc Vincent frappent juste mais n’évitent malheureusement pas d’être un poil didactique c’est vrai. Ces quatre héroïnes des temps futurs, vu qu’il y a ici péril en la demeure, condensent à elles seule les différentes mouvances du féminisme et le spectre est large, de la guérillère Monique Wittig à l’enragée Virginie Despentes… Et pour une fois ces quatre-là devant l’urgence de la situation ne se tirent pas (trop) la bourre. Souterraines mais souveraines et solidaires aussi. Belle utopie à vrai dire de les voir ainsi faire cause commune… Mais le théâtre est aussi un espace de réconciliation. Entre un tuto pour pratiquer un avortement clandestin chez soi, les actions #meeto en préparation (et les noms des porcs balancés ne sont pas fictif, eux), une leçon d’anatomie éducative sur le bon usage du clitoris, la réappropriation de son corps et de sa jouissance, les références aux femen, le genre, l’écriture inclusive etc… c’est tout un champ historique qui est ici labouré à grand traits, condensé dans cette farce explosive, au propre comme au figuré. Et incarnés par ces quatre résistantes en lutte contre un système qui les invisibilise et les baillonne. Céline Fuhrer, Jean-Luc Vincent, Valérie Karsenti, Cédric Moreau sont impeccables qui n’en rajoutent pas (ou pas trop) et assument leur avatar avec à dessein une certaine distance y ajoutant leur propre grain de sel féministe et de folie. Et les deux seuls mâles, travestis dans cette affaire, évitent la caricature (oui, l’homme peut être une femme comme les autres). La femme n’existe plus ? Avec Céline Fuhrer et Jean-Luc Vincent le doute n’est plus permis, l’avenir sera féministe ou ne sera pas. Aux armes citoyennes ?!
La femme n’existe plus, texte et mise en scène de Céline Fuhrer et Jean-Luc Vincent
Avec : Céline Fuhrer, Valérie Karsenti, Cédric Moreau, Jean-Luc Vincent
Création sonore et régie générale : Isabelle Fuchs
Scénographie : François Gauthier-Lafaye
Costumes : Elisabeth Cerqueira
Création lumière : Ludovic Bouaud
Construction : Flavien Renaudon
Régie plateau : Jessica Maneveau
Perruques : Gérald Portenard
Mixage musique : Christophe Menanteau
Musique originale : Christophe Rodomisto
Voix : Caroline Binder, Solal Bouloudnine, Benoit Crou, Camille Meyneng, Nathalie Meyneng, Christophe Rodomisto, Sébastien Vion
Chant : Katel
Du 6 au 31 décembre 2023
Du mardi au vendredi à 19h30, samedi 18h30
Dimanche 10 & 17 à 15h30, dimanche 31 à 18h
Relâche les lundis et le 24 & 26
Théâtre du Rond-Point
2bis avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Réservations : 01 44 95 98 21
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