© Jean-Louis Fernandez
ƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette
Un spectacle très surprenant. Un décor offert dès l’entrée des spectateurs, un chantier, pierres, vitraux, construction ou restauration. Allez savoir. Nous sommes très impatients, le piano aussi, sans doute à demi dissimulé sous d’immenses bâches blanches, qui seront presque en vie tout à l’heure. La curiosité se multiplie, une fois de plus, aux Bouffes du Nord.
Et puis La Esmeralda, un opéra de Louise Bertin et un livret de Victor Hugo, créée en 1836 à l’Académie royale de Musique. Le sujet, les deux auteurs nous remuent, curiosité… Louise Bertin, malgré de bons débuts, n’est pas allée beaucoup plus loin dans sa vie musicale. Un manque de talent ? Un groupe de critiques, de musiciens, de spectateurs ne pouvant pas, pour quelles raisons ? Supporter davantage son travail ? Très peu repris depuis, cet opéra rend du coup très curieux, donne envie de mieux saisir ce qui a été à la fois chahuté et applaudit.
Grande curiosité et l’entrée dans le théâtre est loin d’être récalcitrante, au contraire : échafaudages, colonnes gothiques toutes neuves, ces espaces étranges nous poussent à nous demander comment va prendre vie cet « opéra-spectacle » mis en scène et adapté par Jeanne Desoubeaux, avec une direction musicale de Benjamin d’Aufray et une scénographie, splendide, de Cécile Trémolières. Les costumes d’Alex Constantino sont aussi amoncellement d’époques, de genre. Les youpis ne sont pas loin avec tout cela, joie, bonheur, prospérité presque, au départ.
Clopin Trouillefou nous raconte presque tout, explique, titille notre curiosité. Il nous amuse même, sommes-nous face à un chœur antique ? Le mélange opéra et théâtre est bon, les musiciens aussi jouent double. Ils deviennent foule hurlant et menaçant Esmeralda, prêt à lui donner des coups de piano, qui sait ? Cela fonctionne bien et est en même temps dangereux, on se laisse prendre, on est pris, on attend cela. Et cela disparaît, même si musiciennes et musiciens fabriquent le bûcher d’Esmeralda. D’ailleurs il déçoit un peu ce bûcher, on a été habitué aux vilaines répétitions d’éclats lumineux, d’hallucinations joliment fabriquées, et là… pas grand-chose, des chaises les unes sur les autres, de la fumée discrète, évidente.
La Esmeralda est à la fois surprenante et décevante. Les voix se mêlent à de la musique enregistrée, s’ajoutant à des moments malvenus tels que rots et pets, revenant au cas-où nous n’aurions pas saisi les premiers. Très difficiles de juger les voix, hors bien sûr de mon domaine, mais pas de séduction entière. Un spectacle enroulant le oui et le non : découverte ou nouveau rendez-vous avec Louise Bertin, envie de (re)lire Notre-Dame de Paris, un décor splendide et fou parfois, mais une lumière un peu de travers ici ou là semble-t-il. Une équipée entre jeu et musique, jeux doubles et peu habituels finalement. De très bonnes idées et quantités de petits soupirs, zut, bof…
© Jean-Louis Fernandez
La Esmeralda, opéra de Louise Bertin
Sur un livret de Victor Hugo
Mise en scène Jeanne Desoubeaux
Direction musicale et arrangements Benjamin d’Anfray
Avec
Christophe Crapez : Quasimodo
Arthur Daniel : Clopin Trouillefou
Renaud Delaigue : Frollo
Jeanne Mendoche : Esmeralda
Martial Pauliat : Phoebus
Ensemble Lélio
Benjamin d’Anfray : Piano romantique
Lucie Arnal : Violoncelle
Roberta Cristini : Clarinette
Marta Ramirez : Violon
Aline Riffault : Basson
Du 17 novembre au 3 décembre 2023
Du mardi au samedi à 20h
Matinées les dimanches à 16h
Durée du spectacle : 2h environ
Spectacle déconseillé aux moins de 13 ans
Certaines scènes, notamment de violences sexuelles, peuvent heurter la sensibilité du public
Théâtre des Bouffes du Nord
37 (bis), bd de La Chapelle
75010 Paris
Tél. : +33 (0)1 46 07 34 50
E-mail : location@bouffesdunord.com
www.bouffesdunord.com
Tournée :
Opéra Grand Avignon : 8-9 décembre 2023
Centre d’Art et de Culture, Meudon : 18 janvier 2024
Opéra de Vichy : 2 février 2024
Grand Théâtre – Opéra de Tours : 30-31 mars 2024
comment closed