© Simon Gosselin
ƒƒ article de Victoria Fourel
« Garder toutes ses forces pour le supplice. » Cette phrase issue des premières minutes du spectacle dit tout. La femme que nous allons entendre est sous cloche. Elle attend. Avec au creux du ventre la douleur. Elle attend le retour d’un homme des camps de concentration. Au gré des informations ou de l’absence d’informations, des moments d’espoir et de désespoir, c’est l’inconnu qui nous est raconté, et le mal puissant des victimes collatérales.
La voix résonne sur le très grand plateau, depuis un bureau massif. Dominique Blanc y est vissée, comme méthodiquement accrochée à son appartement, à son téléphone, à la possibilité de recevoir des nouvelles. C’est elle, c’est la parole de cette femme qui porte le spectacle. Elle utilisera presque uniquement sa voix et notre imagination comme terreau pour nous raconter des histoires que l’on a peu entendues. Les histoires de ceux qui, restés dans l’attente, attendent. Ceux qui, ensemble mais en ne supportant pas la présence des autres, tentent de survivre.
Le texte est asséné, méthodiquement, lui aussi. Comme s’il fallait toujours garder le cap, comme s’il fallait s’y accrocher, ne jamais lâcher le fil. La technique est là, haut et fort, présente et visible, on a l’impression de pouvoir toucher cette parole et cette diction solides, qui délayent parfois les mots jusqu’à l’extrême. Un parti-pris qui accroche le spectateur comme il peut le laisser sur le bord de la route. C’est un véritable exercice de style aux codes de jeu marqués qui peut freiner. Mais l’écoute est telle que le public se laisse surprendre quand la comédienne, enfin, souffle, et que les lumières s’éteignent.
On se rend compte qu’on est venus pour la performance, le texte, l’autrice, la comédienne. Que c’est cette équation qui est imparable, tout en technique, en précision et en intensité. Tout est réuni, et ce n’est pas ça qui nous surprend. Non, ce qui nous surprend, c’est qu’on en retient aussi finalement l’aspect documentaire. Ce que l’on apprend dans la froideur de ces quelques chaises qui servent d’appui sans vraiment créer d’image. Ce que l’on apprend dans les brumes des derniers jours de guerre, où l’on parle déjà des jours de gloire en oubliant ceux qui sont toujours dans le brouillard.
© Simon Gosselin
La Douleur, de Marguerite Duras
D’après la mise en scène de Patrice Chéreau et Thierry Thieû Niang
Création et régie lumières : Gilles Bottachi
Avec Dominique Blanc de la Comédie-Française
Du mercredi 28 septembre au dimanche 9 octobre 2022
Petit théâtre, salle Jean-Bouise
Durée 1 h 10
Du mardi au samedi à 20 h 30 sauf jeudi à 20 h, dimanche à 16 h
Relâche le lundi
Théâtre National Populaire
8 place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne Cedex
Réservation au 04 78 03 30 00
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