ƒ article de Jean Hostache

© Christophe Raynaud de Lage

La compagnie chilienne, que nous avions vu des années auparavant dans La imagination del futuro, revient dans la programmation officielle du festival d’Avignon avec une création militante et décapante.

A première vue ce qui frappe dans ce spectacle c’est l’audace de l’équipe. Ils n’y vont pas par quatre chemins. Ils disent tout haut ce que tout le monde pense tout bas, n’ont pas peur de choquer, et ne sont en aucun cas dans le « politiquement correct ». Leur spectacle cible une classe sociale bien précise, ce que nous appelons communément les « bobos » (les bourgeois bohème). Et comme le démontre par un petit sondage à main levées le prologue du spectacle, une mise en bouche des plus drôles et des plus grinçantes, on comprend très vite que la salle et le public avignonnais semble essentiellement constituée de « bobos ». On embarque donc pour une et demie de théâtre où l’on sait d’avance qu’il s’agira pour les acteurs de nous parodier.

Le propos est éminemment politique. On y parle de l’état actuel de la culture et du statut de l’artiste, des méandres du capitalisme, et surtout du problème irrésolu de la lutte des classes. Une pensée engagée en somme, et des scénarios qu’on nous propose très intéressants. Pourtant il y là quelques paradoxes entre le fond et la forme. On remarque de leur part une critique acerbe de l’argent et du théâtre contemporain au moment où il semble n’y avoir que cela au plateau, et que leur proposition est formellement bâtît sur ce qu’ils viennent dénoncer. On pourrait dire qu’ils en ont conscience et que cela s’appelle de l’autodérision, mais la limite de la moquerie n’est ici pas tout à fait limpide, et parfois leur geste artistique peut en devenir dérangeant.

Au delà de ce brouillard qui pourrait bien nous perdre, on saluera l’esthétique scénique et leur style unique qui ne peut que séduire le public. Les acteurs brûlent la scène, leur énergie et la qualité de leur prestation est déroutante. Ils surpassent les codes du théâtre contemporains, apportent beaucoup d’humour à cette situation dramatique, et on ne cesse de rire aux éclats. La scénographie, pouvant rappeler l’univers des clips musicaux, est tout à fait bien pensée, et l’usage de la vidéo devient un outil dramaturgique quasi-essentiel à la mise en scène, rappelant notamment l’omniprésence contemporaine du monde des médias.

Derrière la satire de cette fresque sociale, se cache une envie de leur part de penser ensemble le monde, et cela passe par le théâtre. Une réunion dans le noir entre communauté de spectateurs, pour faire le bilan d’une société qui souffre et tenter collectivement de la rêver plus belle.

La dictatura de lo cool
Texte La Re-Sentida
Mise en scène Marco Layera
Scénographie Pablo de la Fuente
Costumes Daniel Bagnara
Musique Alejandro Batarce
Direction technique Karl Heinz Sateler
Régie son Alonso Orrego
Régie vidéo Christian Reyes
Caméra Alejandro Batarce
Régie plateau Mariela Espinoza et Martin Houssais
Avec Diego Acuña, Benjamin Cortés, Carolina de la Maza, Pedro Muñoz, Carolina Palacios, Bejamin Westfall

Du 18 au 24 juillet 2016

Gymnase du lycée Aubanel
14, rue Palapharnerie 84000 Avignon
Réservation au 04 90 14 14 14
www.festival-avignon.com

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