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La Dame blanche, de François-Adrien Boieldieu, à l’Opéra Comique, Paris

Fév 24, 2020 | Commentaires fermés sur La Dame blanche, de François-Adrien Boieldieu, à l’Opéra Comique, Paris

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

 

ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

La Dame blanche est un opéra-comique en trois actes des prolifiques compositeur François-Adrien Boieldieu et librettiste Eugène Scribe ; le 26ème et avant-dernier pour le premier (secondé par Adam pour l’ouverture) et l’un des 94 pour le second qui s’inspira de plusieurs romans de l’écrivain écossais Walter Scott pour écrire cette histoire romantique et fantastique se déroulant dans un château hanté écossais.

Il fut encensé après sa création au théâtre Feydeau en 1825 par tous les confrères de Boieldieu, de Rossini (son modèle) à Wagner en passant par Weber, et connut qui plus est un succès durable (bien que non joué depuis la version qui était celle jusqu’à présent de référence, dirigée par Marc Minkowski en 1997 et la mise en scène de Jean-Louis Pichon) ; l’un de ses airs (« Prenez garde ! La Dame blanche vous regarde ») a même inspiré une bulle à Hergé le faisant chanter par le capitaine Haddock et Tintin enivrés dans Le Crabe aux pinces d’or !

C’est la deuxième fois que l’éclectique auteure et metteuse en scène Pauline Bureau (particulièrement remarquée en 2019 avec Hors la loi sur le procès de l’IVG à Bobigny et Féminines au Théâtre de la Ville, après Dormir cent ans en 2015 et Mon cœur sur l’affaire du Médiator en 2017) s’attaque à un opéra-comique, après Bohème, notre jeunesse en 2018 salle Favart.

Elle a pris le parti d’une mise en scène romantico-gothique, insistant, dans l’esprit de l’œuvre, sur ses ressorts fantastiques et comiques plus que mélodramatiques. On ne dira rien, pour ne pas « divulgacher », des petites astuces à la Harry Potter traversant le spectacle, recourant à la magie et à la vidéo, qui rend son écoute et sa vision adaptées à un public de 7 à 107 ans ! Si l’on n’a pas été complètement convaincus par les choix de costumes (et notamment le fait que les solistes soient habillés dans un style XIXème aux côtés des paysans en kilts et tartans faisant référence à la période précédant la répression des highlanders fin XVIIIème) et des vidéos, ni toujours par la direction d’acteurs en duo ou trio, les scènes plus collectives sont réussies.

Sur le plan vocal, le ténor Philippe Talbot, remarqué dans Le comte Ory et que l’on avait beaucoup aimé dans ses différents rôles dans Les contes d’Hoffmann, était le soir de la première en-deçà de sa puissance, surtout dans le premier acte où il s’est laissé plusieurs fois recouvrir par l’orchestre. Elsa Benoit est une Anna-orpheline espiègle et une Dame Blanche-dominatrice (à cravache !) enjouée et surtout au soprano léger et vibrato bien équilibré.  Yann Beuron et Sophie Marin Degor forment un couple très bien assorti, tous deux puissants dans leurs tessitures respectives, clairs et précis et bons comédiens. Aude Extrémo joue une Marguerite sans doute plus sombre et mystérieuse que le rôle ne le suppose, on regrette qu’elle ne conserve pas en particulier dans les récitatifs une diction plus spontanée et sa voix naturelle (qui ressurgit par moments) qui siéraient mieux à son personnage. Le baryton Jérôme Boutillier est parfait, même s’il ne semble pas endosser si facilement le rôle du méchant à la différence de Yoann Dubruque très convaincant comme comédien dans son rôle de juge corrompu !

Le chœur « Les Eléments », qui a de beaux morceaux à chanter dès la première scène avec des répartitions de tessitures très marquées, est superbe, bien accompagné par l’Orchestre national d’Ile-de-France dirigé joyeusement par Julien Leroy, avec une mention spéciale pour la harpe annonçant chaque apparition de la Dame blanche.

Les rétifs au genre de l’opéra-comique qui ne peuvent se satisfaire d’une écriture usant beaucoup de la répétition passeront leur chemin, au risque toutefois de se priver de nombreux airs charmants (notamment des faux canons en trios qui nécessitaient le soir de la première encore quelques ajustements) d’une scène de vente aux enchères réjouissante, mais surtout d’une profondeur plus complexe qu’il n’y paraît sur le fond, finalement très avant-gardiste dans ses aspects que l’on qualifieraient de psychanalytiques et de résilience si les termes n’étaient pas anachroniques pour cette œuvre du XIXème…

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

La Dame Blanche de François-Adrien Boieldieu et le livret d’Eugène Scribe

Avec l’Orchestre National d’Ile-de-France

Et le chœur Les Éléments

Direction musicale, Julien Leroy

Mise en scène Pauline Bureau

Décors Emmanuelle Roy

Costumes Alice Touvet

Lumières Jean-Luc Chanonat

Vidéo Nathalie Cabrol

Magie Benoît Dattez

Dramaturgie Benoîte Bureau

Assistante musicale Emmanuelle Bizien

Collaboratrice artistique à la mise en scène Valérie Nègre

Chef de chant Christophe Manien

Chef de chœur Joël Suhubiette

 

Avec

Philippe Talbot (Georges Brown), Elsa Benoit (Anna) Sophie Marin-Degor (Jenny), Jérôme Boutillier (Gaveston), Aude Extrémo (Marguerite), Yann Beuron (Dickson), Yoann Dubruque (Mac-Irton), Mathieu Heim (paysan), Stefan Olry, Vincent Billier, Jean-Baptiste Henriat (gens de justice), Alban Guyon (Gabriel), Lionel Codino (comédien)

 

Du 20 au 28 février à 20 h et le 1er mars 2020 à 15 h

Durée 2 h 50

 

Opéra Comique

Place Boieldieu

750002 Paris

 

Réservation 01 70 23 01 31

www.operacomique.com

 

 

 

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