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La Cruche de Georges Courteline, mise en scène d’Henri de Vasselot, le Lucernaire

Déc 23, 2016 | Commentaires fermés sur La Cruche de Georges Courteline, mise en scène d’Henri de Vasselot, le Lucernaire

ƒ article de Corinne François-Denève

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© Cédric Barbereau

Connaît-on vraiment Courteline ? Parce qu’il vient après Labiche et Feydeau, on a tendance à ne voir en lui qu’un faiseur de comédies efficaces, qu’un brillant boulevardier que ses répliques cinglantes désignent comme le fournisseur attitré de scènes de concours. Ses pièces, courtes et acerbes, sont finalement peu montées –La Cruche tout particulièrement.

Dernière pièce de Courteline, La Cruche raconte, en deux actes, les amours de Margot, gourde bonnasse qui vit à la colle avec Lauriane, brusque dadais qui ne la mérite pas, et qui soupire devant Lavernié, artiste indécis. Mais la cruche du titre est plus profonde qu’on ne le croit. Désabusée et lucide, elle se résigne à « faire une fin », tandis que la dernière scène de la pièce, presque muette, vient battre en brèche tout ce qu’on pourrait attendre d’un « vaudeville ». Misogynie, misandrie, misanthropie, méfiance générale envers les femmes, les hommes, les amis, les amants, doute jeté sur la possibilité de l’amour, de l’amitié, du talent, du bonheur, on rit finalement très peu à cette sombre Cruche.

La troupe de « L’Envolée Lyrique », après Cosi Fan Tutte et Les Contes d’Hoffmann, a pourtant choisi de s’emparer de cette Cruche pour la transformer en une pièce de « théâtre musical », et d’illustrer l’intrigue par des morceaux choisis. C’est un étrange pari, et une pièce à deux entrées qui se donne à voir, et surtout à entendre. D’un côté, avec une scénographie ingénieuse et de jolis costumes, le choix d’une mise en scène façon « Boulevard »/ « Au théâtre ce soir », avec son lot d’effets appuyés, d’allusions plus ou moins utiles à l’actualité, de clins d’œil à des sketchs connus (Foresti en Adjani, ou l’inverse), de virevoltes et de soubresauts, laissant de côté la noirceur de la pièce initiale ; d’un autre côté, une opérette charmante, remettant à l’honneur des ariettes presque oubliées, qui viennent se greffer sur une intrigue somme toute secondaire.

Henri de Vasselot a choisi Reynaldo Hahn (« Si mes vers avaient des ailes », d’après Victor Hugo – on s’éloigne donc un peu de Courteline), André Messager, et pour le couplet de Margot, le « J’suis bête » de Marie Dubas. Ces chansons font donc résonner d’un tout autre son La Cruche de Courteline, qui n’est ici qu’un prétexte à pousser la chansonnette. Mais il faut dire que l’ensemble a du cachet : ces musiques sont exquises, et délicieusement chantées. Puisque c’est Courteline, et qu’on aime les militaires, ou ce qui y touche de près, on citera le Lavernié (ici rebaptisé Duvernié) de Martin Jeudy, par ailleurs chanteur au Chœur de l’Armée Française. Agathe Trébucq compose sans avoir l’air d’y toucher une charmante grisette. Quant à Florence Alayrac, elle emporte la mise avec sa vigoureuse Camille, virago castafiorique, hystérique et histrionnique qui repousse les étroits murs du Théâtre Noir du Lucernaire. Avouons-le : on a très envie de revoir cette « Envolée Lyrique » dans, allez, un vrai vaudeville – un théâtre à couplets chantés – La Dame de chez Maxim ?

 

La Cruche
De Georges Courteline
Mise en scène : Henri De Vasselot
Avec : Antonine Bacquet   ou Agathe Trebucq , Florence Alayrac   ou
Maria Mirante   , Martin Jeudy   ou Marc Valéro  ou Alexander Swan, Marc Sollogoub   ou Henri De Vasselot
Création lumières : Thomas Jacquemart
Costumes : Florence Alayrac
Scénographie : Henri De Vasselot
Assistante à la mise en scène : Pauline Paolini
Production : L’Envolée Lyrique

du 14 décembre 2016 au 22 janvier 2017
du mardi au samedi à 19 h, le dimanche à 15 h

Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris
01 45 44 57 34
durée 1 h 20
Le lucernaire

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