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La contrainte, d’après Stefan Zweig, mise en scène d’Anne-Marie Storme, Théâtre de la Bourse du Travail CGT, au Festival d’Avignon off, Avignon

Mai 22, 2024 | Commentaires fermés sur La contrainte, d’après Stefan Zweig, mise en scène d’Anne-Marie Storme, Théâtre de la Bourse du Travail CGT, au Festival d’Avignon off, Avignon

 

© Jef Le Maout

 

ƒƒ Article de Sylvie Boursier

Quatre nouvelles de Stefan Zweig, rédigées à l’issue de la Première Guerre mondiale et réunies dans un recueil intitulé Le monde sans sommeil, traduisent les effets dévastateurs des combats, suicides, insomnies généralisées, insoumissions, trahisons, traumatismes psychiques et mutilations. Dans La contrainte un couple allemand réfugié en Suisse est rattrapé par l’histoire. Déclaré inapte au service par temps de paix, le mari, artiste peintre, reçoit un jour un ordre de mobilisation. Sa femme refuse l’appel à se battre pour une cause qu’ils n’ont pas choisie au nom de la liberté auquel chacun a droit, mais une force invisible pousse l’homme à se rendre à la convocation. Au poste frontière, il voit arriver des mutilés accueillis en Suisse pour lesquels la guerre est finie.

Anne-Marie Storme, dans sa mise en scène, fait confiance à la force du texte et à la puissance imaginaire de ses comédiens. Chaque mot, chaque syllabe nourrit des images au plateau dans un univers rituel proche du théâtre Nô, troué de déflagrations violentes au fur et à mesure du conflit intérieur du mari, déchiré entre son envie de rester et la culpabilité de se dérober à ce que d’aucun appelle devoir. Voilà un théâtre exigeant qui ne cède rien à la facilité, la lumière joue un grand rôle qui, d’une base sombre, évolue en crescendo avec des effets d’embrasements par instants. Soudain, au moment où le visage de l’acteur n’est éclairé que très faiblement, on saisit le plus infime déplacement d’un muscle, la suspension de la langue entre les mots, comme traversée de particules fines qui se bousculent. On pense évidemment à Claude Régy, cité par Anne-Marie Storme dans la note d’intention mais aussi au théâtre japonais qui accorde une grande importance au chant, à la musique, au pouvoir incantatoire du texte. Stéphanie Chamot, chanteuse, musicienne et comédienne, figure l’absurdité administrative en même temps qu’une présence spectrale comme un ange de la mort qui vient se jouer du vivant en sursis qui plaide sa cause. Il y a quelque chose de surnaturel dans les choix esthétiques d’Anne-Marie Storme, tout est épuré de part et d’autre d’une étroite bande de terre, ligne de partage entre les frontières, la vie et la mort, la douceur et l’horreur. Anne Conti et Cédric Duhem jouent à fond la musicalité du texte sur une corde raide, au bord du précipice à chaque instant, avec pour seuls instruments leurs corps dans une dance macabre qui, plus qu’un long discours, raconte le cauchemar de la guerre. Si vous passez par Avignon allez voir ce spectacle rare sur un sujet on ne peut plus actuel en Europe et laissez-vous happer par la force visuelle des mots de Stefan Zweig parfaitement incarnés.

 

© Jef Le Maout

 

La contrainte, d’après Stefan Zweig

Adaptation et mise en scène : Anne-Marie Storme

Lumière : Jean-Michel Daleux

Musique et chant : Stéphanie Chamot

Avec : Anne Conti, Stéphanie Chamot et Cédric Duhem

Durée 1h10

 

Du 3 au 20 juillet 2024 à 16h (relâche les 8 et 15 juillet)

Au théâtre de la Bourse du travail CGT, festival off Avignon

8 rue Campane

84 000 Avignon

Réservations :

T+04 90 80 67 27

www.theatre@cgt84.com

 

Les 25 et 26 février 2025 à 10h et 14h30, Montataire (60)

Le 28 février 2025 à Tergnier (02)

Le 28 mars 2025 à Avion (62)

 

Vu au théâtre La Verrière à Lille

 

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