ƒƒ Article de Elise Regnier

La comédie de la vie

Aller voir une pièce de Tardieu promet une soirée haute en couleur, inattendue. En effet, puisque le théâtre de Tardieu s’attache, entre autre, à questionner la langue, ce qu’elle véhicule, et le consensus qui l’accompagne, le verbe y est remanié. Ainsi, d’une discussion ou l’on emploie un mot pour un autre à un échange amoureux dans lequel personne ne finit ses phrases, le texte en lui-même ne dit pas grand-chose de précis, frôlant souvent l’absurde. Ainsi, le spectateur averti vient voir une pièce peu commune et ne répondant pas à la logique du quotidien.

C’est alors que la magie du théâtre opère. Le langage est manié avec précision, les consonnes sonnent dans l’espace et ce langage absurde prend vie. Les phrases sont insensées mais les acteurs semblent échanger pourtant. La compagnie Boss Kapok entraîne le spectateur dans des conversations hilarantes, très bien menées, puisqu’on comprend tout ce qui s’y trame et les enjeux qui en découlent. On vibre avec elle sur les émois amoureux, on tremble devant des décisions à prendre, on découvre avec horreur (et rire !) un mari adultère.

La mise en scène sobre permet d’incorporer totalement ce langage absurde au cœur d’une vie qui nous est quotidienne.

Avec « La Comédie de la vie », la compagnie Boss Kapok nous propose un mélange de scènes alternant différents procédés stylistiques et provenant de divers ouvrages de Tardieu. Le manque d’unité est le principal point faible de ce spectacle. Il perd le spectateur, qui sera tenté de faire des liens d’une scène à l’autre ou d’attendre un dénouement global, une scène qui permettrait de tout articuler. Les comédiens reviennent, le décor et les costumes changent peu, mais les saynètes sont en fait sans lien entre elles. Certaines, l’une d’elles surtout, proposent des questionnements métaphysiques, rompant avec le style rapide, saccadé et drôle des précédentes. Celle-là semble être de trop mais elle est largement rattrapée par les autres.

La promiscuité de cette jolie petite salle permet de suivre ardemment les comédiens dans leurs moindres faits et gestes. Sortent du lot deux acteurs. La charmante Agathe Pujol, tordante dans son personnage de Madame de Perleminouze. Léonard Boissier offre quant à lui une tirade exceptionnelle dont on voudrait qu’elle recommence quand elle se termine. Il nous offre l’apothéose de ce moment théâtral au cœur du 11ème.

Globalement, cette pièce d’une heure sans prétention remplit parfaitement son rôle divertissant et offre un moment de qualité.

La Comédie de la vie
Texte Jean Tardieu
Mise en scène Laurent Massei
Assistant metteur en scène Jérémy Ponthieux
Avec Leonard Boissier, Laurent Col-Minne, Deborah Dulniau, Laurent Massei, Omar Mebrouk, Jeremy Ponthieux, Agathe Pujol, Mélanie Sitbon

Du 12 septembre au 22 novembre 2014
A 21h30 les vendredis et samedis

Aktéon Théâtre
11, rue du Général Blaise – 75011 Paris
Réservations 01 43 38 74 62
www.akteon.fr

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