Critiques // « La Cantatrice chauve » de Ionesco, mise en scène Judith Andrès

« La Cantatrice chauve » de Ionesco, mise en scène Judith Andrès

Oct 28, 2014 | Commentaires fermés sur « La Cantatrice chauve » de Ionesco, mise en scène Judith Andrès

ƒƒ article d’Elise Regnier

Sans titre

 

Si la cantatrice chauve est un classique – et elle l’est assurément -, elle n’offre pourtant pas la perspective d’un moment attendu et consensuel. Oublions nos conventions et, à la manière d’Alice visitant le pays des merveilles, laissons-nous aller dans une course saugrenue. Les discussions, ici, n’ont pas le même sens que dans notre monde et vu la vitesse à laquelle va la pièce, il ne faut pas trop y réfléchir mais plutôt se laisser enivrer par ces logiques qui nous dépassent.

Remaniant légèrement le texte et effectuant quelques coupures, la compagnie les Pitres Rouges nous propose une mise en scène conforme à l’esprit originel de la pièce mais largement modernisée. Ici, point d’appartement bourgeois comme c’était le cas dans la première mise en scène, qui joue toujours au théâtre de la Huchette. Nous sommes vraisemblablement dans un salon, aux murs duquel sont suspendues des dizaines d’horloges. Pourtant, comme le dira Madame Smith, « nous n’avons pas l’heure ici ». Les costumes, sobres et élégants nous rappellent néanmoins que nous sommes chez des gens convenables, qui appliquent les conventions de leur monde.

Rythmées par des gestes, des bruits de bouche, qui reviennent aux mêmes mots, aux mêmes expressions, ou aux mêmes histoires, les conversations sans queue ni tête finiraient presque par trouver une logique intrinsèque. Comble de l’absurde, ces gestes qui accompagnent les propos de celui qui parle, sont également effectués par ceux qui ne parlent pas, comme si tout le monde savait exactement ce qui allait se dire. Petit à petit, le spectateur est donc de connivence, reconnait un langage corporel et rentre dans la logique de la pièce. Ces mouvements, ces bruits semblent être des gestes du quotidien, au même titre que se gratter la tête. La précision et le naturel des acteurs y sont pour beaucoup. Ils s’approprient leur rôle sans les distancier, en les prenant très au sérieux. Et c’est ainsi que l’absurde devient, le temps d’une pièce, une norme.

Dans un instant de communion ultime tous les acteurs vont se mettre à faire un bœuf, sorte d’improvisation musicale sur la chanson des Hanson Mmmmbop. Si la référence n’est pas indispensable car le morceau est très réussi et s’intègre bien dans la pièce, elle est cependant drôle et participe à l’absurde. Ce tube pour jeunes adolescents, chanté dans les années 90 a été un succès avant d’être classé parmi les plus mauvais titres de la décennie.

Cette mise en scène très réussie offre une seconde jeunesse à Ionesco et respecte parfaitement les attentes de celui qui vient voir La cantatrice chauve. On salue l’énergie de cette jeune troupe.

La Cantatrice chauve
Texte  Eugène Ionesco
Mise en scène  Judith ANDRES
Compagnie Les Pitres Rouges
Avec Florian Vaz, Judith Andres, Martin Van Eeckhoudt, Sara Lo Voi, Jaicy Elliot, Jérémie Galiana en alternance avec Luca Teodori

Jusqu’au 22 novembre
Les vendredis et samedis à 20h
Akteon theatre
11, rue du Général Blaise
75011 Paris
Métro Saint-Ambroise, Rue Saint-Maur, Richard Lenoir, Père Lachaise
www.akteon.fr

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