Critiques // La Boucherie de Job, texte et mise en scène de Fausto Paravidino au Théâtre de la Commune

La Boucherie de Job, texte et mise en scène de Fausto Paravidino au Théâtre de la Commune

Jan 21, 2016 | Commentaires fermés sur La Boucherie de Job, texte et mise en scène de Fausto Paravidino au Théâtre de la Commune

 ƒƒ Article d’Ulysse Di Gregorio

 foto_tiziana_tomasulo_15

 © Tiziana Tomasulo

Ecrite en 2014 à l’issue de l’occupation du « Teatro Valle » à Rome pour éviter la privatisation du théâtre, La Boucherie de Job est une réflexion sur le libéralisme économique et les faillites qu’il entraîne. Le mythe biblique de Job réécrit sous forme de théâtre épique prend place dans notre société contemporaine et interroge également la destruction du rapport de l’homme au sacré.

Job grâce à un poulet offert par ses parents finit par monter sa boucherie avec honnêteté et application dans le travail. Il tombe amoureux, et agrandit sa famille avec sa femme dont il aura deux enfants. Sa fille est malheureusement atteinte d’une maladie neurologique incurable entraînant des crises pouvant déboucher sur des pertes de mémoire, voire une incapacité totale à retrouver le langage. Puis vient le temps de la crise et la boucherie se retrouve endettée à tel point que le fils, qui a étudié la finance aux Etats-Unis, décide de rentrer à la maison pour aider ses parents. Il va jusqu’à faire renvoyer l’aide de son père et parier la faillite de la boucherie afin de récupérer l’argent de celle-ci, mais le père refuse de prendre cet argent. De petits boulots en petits boulots après la perte de son commerce, Job perd sa femme faute d’argent pour la guérir, et s’enfuit avec sa fille pour finir à la rue et sans le sou…

La scène est principalement divisée en trois partie : la boucherie à jardin, la maison de Job au centre et la banque à cour pourvue d’un podium sur lequel se dresse une secrétaire fort peu vêtue. La banque cyniquement représentée par un patron à tête de porc présente tous les vices : l’appât du gain, la luxure et le vol.

Job interprété par Filippo Dini avec une grande sensibilité, faillit une seule fois à ses convictions en acceptant de renvoyer le garçon boucher qu’il considère comme son fils. A partir de ce moment, le personnage voit son âme déchirée par la douleur et le remords. Ce n’est qu’à la mort de sa femme –  jouée avec une grande douceur par Monica Samassa – que Job se sentira apaisé grâce à la fulgurance de sa foi en Dieu. Cette foi, à ce moment tragique de son existence, est totalement incompréhensible pour le fils – Fausto Paravidino – qui ne croit plus qu’en l’argent et la chrématistique.

Les costumes illustrent très clairement le « camp » de chacun des personnages : la simplicité et la gaieté des tissus pour Job, sa fille et sa femme, et le cuir pour le fils et sa compagne afin de souligner leurs mœurs débridées. Le parti pris est celui du « type », le caractère du personnage est immédiatement identifiable par son costume ; il ne s’agit pas seulement d’un cliché pour différencier les « bons » des « méchants », mais plutôt d’une référence à la commedia dell’arte. Cela est encore confirmé par la présence intéressante de nombreux figurants masqués. Cette idée aurait pu être plus approfondie dans le jeu des comédiens car les masques perdent de leur présence en étant souvent de profil, néanmoins ces moments sont fort appréciables car ils offrent au spectateur une vision plus poétique que « naturaliste ».

Homme aux multiples facettes, Fausto Paravidino est à la fois auteur, metteur en scène et comédien. Il nous livre ici un sujet de réflexion sur le mal de notre époque qui prend sa source dans l’omniprésence et la toute puissance du libéralisme et s’appuie pour cela sur l’un des plus grands mythes bibliques.

La Boucherie de Job
Texte et mise en scène Fausto Paravidino
Assistants à la mise en scène Maria Teresa Berardelli, Camilla Brison
Régisseurs Camila Chiozza, Anna Felicia Nardandrea
Costumes Sandra Cardini assistée de Annalucia Cardillo, Stefano Ciammitti
Masques Stefano Ciammitti chorégraphie Giovanna Velardi
Ingénieur du son Vincenzo Schiavo technicien du son Daniele Natali
Lumière Pasquale Mari
Chefs électriciens Marco Laudando, Michelangelo Vitullo
Avec Filippo Dini, Monica Samass, Barbara Ronchi, Fausto Paravidino, Emmanuele Aita, Iris Fusetti, Aram Kia, Federico Brugnone, L’infirmière, Ippolita Baldini

Du 15 janvier au 23 janvier 2016
Mardi et mercredi à 19h30, jeudi et vendredi à 20h30, samedi à 18h et dimanche à 16h
Durée 2h50 avec entracte
Spectacle en italien surtitré

Théâtre de La Commune / Centre dramatique national
2, rue Édouard Poisson – 93300 Aubervilliers
réservations 01 48 33 16 16
www.lacommune-aubervilliers.fr/

Be Sociable, Share!

comment closed