© Maira Spanghero
ƒƒ article de Denis Sanglard
Au commencement était le Bicho (La Bête en brésilien), sculpture emblématique en métal et modulable de l’artiste Brésilienne Lygia Clark. Sculpture articulée par le public, établissant ainsi un rapport singulier entre l’œuvre et celui-ci. Une relation active entre « la bête » et celui qui la manipule, la plie, la déplie. Une action qui est partie de l’œuvre et forme ainsi un tout. Découverte « inanimée » par Wagner Schwartz, prisonnière d’une boîte en verre, donc ignorée du public à qui elle s’adresse, ce dernier décide de réactiver le processus, de libérer en quelque sorte la bête. Ne possédant pas une telle sculpture Wagner Schwartz se substitue donc à elle. Lygia Clark les considérait comme organiques. Chaque charnière de l’objet, image d’une colonne vertébrale, peut être associée aux articulations d’un corps. Après avoir manipulé une réplique de cette sculpture, seul et nu au centre du plateau, Wagner Schwartz demande « qui veut essayer ? ». Et devient « La bête » bientôt manipulée à son tour. Ainsi est repensée la place du spectateur qui ne l’est plus mais devient un acteur à part entière de la performance, Wagner Schwartz demeurant passif, réifié, plié et déplié à son tour. Fascinant de voir comment se décline cette proposition et la réflexion qu’elle offre dans notre relation parfois complexe avec le corps et incidemment avec notre culture. C’est notre propre rapport au corps, voire à la nudité, son appréhension, son interaction avec l’autre, qui est interrogé. Un effet miroir augmenté par la passivité absolue de Wagner Schwartz. Que faisons-nous de l’autre ainsi soumis et fragile, offert ? Entre la simple exploration mécanique, articuler, désarticuler ce corps devenu objet et observer, réfléchir, comment cela marche, la volonté d’en faire un partenaire, certes passif, pour une chorégraphie improvisée, sculpter cette matière organique qui ne résiste pas, inerte, et lui imposer des équilibres improbables jusqu’à la chute, l’enlacer et ne rien faire d’autre que se coucher, proposer même une séance de shiatsu… Et puis soudain cette initiative, cette intuition géniale, de poser sur ce corps, transi contemporain, ce Bicho. C’est d’un coup d’un seul résumer cette performance de façon foudroyante. Le corps, la sculpture, objet et sujet tout à la fois, agrégés, le propre de cette performance. Cet exercice a ses propres limites et s’épuise de lui-même et, inconsciemment, les spectateurs, mais peut-on encore les appeler ainsi ?, signent d’eux même la fin de cette performance.
La Bête conception et performance Wagner Schwartz
Direction technique, lumière Diego Gonçalves
Conseiller artistique Maira Spanghero
Objet réplique de la sculpture de Bicho Lygia Clark
25 juin 2018 à 19h
Centre national de la danse
1 rue Victor Hugo
93007 Pantin
Réservations 01 41 83 98 98
cnd.fr
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