© Michèle Laurent
ƒƒ article de Denis Sanglard
Bon, écartons toutes polémiques sur la dernière création de Robert Lepage à qui Ariane Mnouchkine a confié sa troupe. Kanata-Episode 1-La controverse. Où la violence assimilationniste du gouvernement canadien par les pensionnats autochtones qui du XIXe siècle (1820) jusqu’en 1996 « accueillirent » les enfants des premières nations arrachés à leurs familles dans une volonté politique d’éradiquer leurs cultures, leurs langues et jusqu’à leurs territoires. Des enfants et leurs descendants ainsi délibérément acculturés, soumis malgré eux et contre eux à une évangélisation forcenée. C’est la destruction de leur environnement, la forêt, et donc de la compréhension d’une culture, qui ouvre cette création et, plus loin, offrira sans doute une des plus belles scènes, sous opium, de cette pièce pesante. Car ce n’est pas tant le propos et son contenu qui sont à remettre en cause, loin de là, mais son traitement un poil didactique. Un propos par ailleurs soigneusement désamorcé : il s’agit ici d’un regard, d’un point de vue étranger et non l’appropriation d’un discours. Un point de vue à travers un fait divers, le meurtre d’une autochtone, qui n’est que la conséquence directe, du moins une de ses conséquences tragiques, de la politique ségrégationniste menée par le Canada qui perdure ferme par certains aspects encore aujourd’hui. Un regard candide, naïf d’une occidentale, Miranda, installée à Vancouver, dans le quartier de Downtown Eastside, pas le plus reluisant, entre drogue et prostitution. Ce regard-là, cette découverte, ajouté à la problématique vue par ses conséquences traumatiques, balaye donc le débat, la controverse sur ce sujet épineux. Pourquoi par ailleurs avoir gardé ce terme, Controverse, dans le titre ? On retiendra surtout le témoignage vidéo de survivants de pensionnats autochtones insérés dans cette création, glaçant. Mais à vouloir brasser d’autres sujets annexes, en regard du premier, l’expansion chinoise, l’arrivée de plus en plus nombreuse de Français, l’intégration des nouveaux arrivants, le propos parfois se dilue quelque peu et frise même, tant simplifié, le cliché. Il y a bien un thème universaliste qui traverse cette œuvre et propre au théâtre du Soleil, cette nécessité de l’entraide, du partage, du métissage. Là on reconnaît l’empreinte de cette troupe unique. Mais ce n’est pas tant ça qui fait souci une fois la sidération, voire l’émotion passée devant le premier sujet et parfois sa découverte. Robert Lepage aborde ça platement. Comme dégagé de toute volonté formelle. Evidemment habitués que nous sommes aux fresques inventives et hautes en couleurs d’Ariane Mnouchkine et de sa troupe, là on est un tantinet déçu. La troupe est formidable, donne comme à chaque fois tout, certes, mais elle est embarquée dans une vision purement cinématographique, une docu-fiction, didactique et réaliste d’un fait divers aussi atroce et signifiant soit-il… Avec pour conséquences une multiplication de scènes, d’incessants changements de décors qui finissent par peser sur l’ensemble. Pourtant en deux scènes, tableaux saisissants et d’une grande force dramatique, un canoë traversant une forêt, un ours, et cette même forêt rasée, un totem abattu comme on abat un arbre, on espérait une suite qui malheureusement ne vint pas comme nous l’espérions. Les bonnes intentions ne font pas toujours malgré l’empreinte de leur sujet de bons spectacles. Alors oui on peut découvrir cette nouvelle création de Robert Lepage associé au Théâtre du Soleil plus pour le sujet et ce qu’il dénonce que son traitement ; la découverte de la politique envers les peuples autochtones par le gouvernement canadien. Sa face sombre, tragique et peu reluisante pour ses nations décimées.
© Michèle Laurent
Kanata-Episode 1-La controverse mise en scène de Robert Lepage
Avec : Shaghayegh Beheshti, Vincent Mangado, Martial Jacques, Man Waï Fok, Dominique Jambert, Sébastien Brottet-Michel, Eve Doe Bruce, Frédérique Voruz, Sylvain Jailloux, Astrid Grant, Duccio Bellugi-Vannuccini, Taher Baig, Aref Bahunar, Jean-Sébastien Merle, Saboor Dilawar, Maurice Durozier, Shafiq Kohi, Seear Kohi, Sayed Ahmad Hashimi, Miguel Nogueira, Ghulam Reza Rajabi, Alice Milléquant, Arman Saribekyan, Nirupama Nityanandan, Andrea Marchant, Agustin Letelier, Camille Grandville, Ana Dosse, Aline Borsari, Wazhma Tota Khil, Omid Rawendah, Samir Abdul Jabbar Saed
Dramaturgie Michel Nadeau
Direction artistique Steve Blanchet
Scénographie et accessoires Ariane Sauvé
Avec Benjamin Bottinelli, David Buizard, Martin Claude, Pascal Gallepe, Kaveh Kishipour, Étienne Lemasson
Et l’aide de Judit Jancsó, Naweed Kohi, Thomas Verhaag, Clément Vernerey, Roland Zimmermann
Peintures et patines, Elena Antsiferova, Xevi Ribas
Avec l’aide de Sylvie Le Vessier, Lola Seiler, Mylène Meignier
Lumières Lucie Bazzo
Avec Geoffroy Adragna, Lila Meynard
Musique Ludovic Bonnier
Son Yann Lemêtre, Thérèse Spirli, Marie-Jasmine Cocito
Images et projection Pedro Pires
Avec Étienne Frayssinet, Antoine J. Chami, Vincent Sanjivy, Thomas Lampis, Gilles Quatreboeuf
Surtitrage Suzana Thomaz
Costumes Marie-Hélène Bouvet, Nathalie Thomas, Annie Tran
Coiffures et perruques Jean-Sébastien Merle
Souffleuse et professeure de diction Françoise Berge
Assistante à la mise en scène Lucile Cocito
Merci aux élèves et anciens élèves du diplôme de technicien des métiers du spectacle du Lycée Léonard de Vinci (Paris), Louise Morizot, Alexis Delair, Mathilde Apert, Noémie Notseck, Emeline Jenger, Gaëlle Lebris, Mathilde Coursault, Théophile Carrot et Caroline Siau et leurs professeurs Anne Bottard, Thierry Decroix, Julie Strauss et Franck Vallet.
Merci aux élèves de 4e et 5e année de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs et leurs professeures Elise Capdenat et Annabel Vergne
Du 15 décembre 2018 au 17 février 2019
Du mercredi au vendredi à 19h30
Le samedi à 15h
A partir du 12 janvier à 15h et à 20h
Le dimanche à 13h30
(relâche exceptionnelle le mercredi 2 janvier 2019)
Théâtre du Soleil
Cartoucherie de Vincennes
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Réservations 01 43 74 24 08
www.theatre-du-soleil.fr
Festival d’Automne à Paris
www.festival-automne.com
comment closed