© Compagnie 2 minimum, Mélanie Perrier

ƒƒ article de Nicolas Thevenot

Des chemises et chemisiers blancs, diaphanes, fluides et légers comme l’air, se gonflant comme des voiles, comme des montgolfières. Si ces cinq-là sont d’abord emmêlés dans les mailles d’un réseau que l’on dit social, effectuant ces déplacements et regroupements, ces écarts, ces attroupements, dans une obéissance aveugle aux règles qui, d’un regard, forment et défont les groupes, créent les oppositions et scindent les alliances, ils seront bientôt ceux-là mêmes qui sauteront ensemble, quelques instants dans l’air suspendus et luminescents comme un banc de méduses.

Mélanie Perrier a conçu avec Jan Fedinger un dispositif plastique qui ne pourrait mieux participer à sa matière sensible : la lumière émise d’un globe suspendu au-dessus de la scène, source lumineuse principale au plateau, est contrôlée et modulée par l’intensité sonore du gong joué sur scène part Thierry Balasse puis dans un deuxième temps par l’impact au sol des bonds des danseurs. Le voir et l’entendre sont donc pleinement reliés, soumis au même régime vibratoire, intimement intriqués. La physique de Jusqu’au moment où nous sauterons ensemble est celle des ronds dans l’eau, sa poésie celle de la réverbération et diffraction. La lumière grésille, les images s’affolent comme des insectes épinglés par les phares d’une voiture. Mélanie Perrier propose un renouvellement de l’expérience du spectateur comme si le processus mis en jeu ici décentrait l’attention : au lieu de fixer un ou plusieurs danseurs comme on le fait habituellement, la focale de notre attention s’ouvre et entre en symbiose avec une totalité diffuse, une harmonique des corps et des sons et des éclats lumineux, irisant, telle une onde se propageant, notre propre pupille.

Travaillant la gradation, le phasage et le déphasage, la pièce de Mélanie Perrier fonctionne comme si la chose chorégraphiée n’était pas tant les corps soulevés mais bien plutôt le soulèvement de l’être, une vibration intérieure, invisible, mais perceptible si l’on se départit de la prééminence d’une fonction sensorielle au détriment des autres. Les danseurs de Jusqu’au moment où nous sauterons ensemble sont les battants d’une cloche invisible, immense comme le monde dans lequel l’être résonne encore du saut de l’ange.

Jusqu’au moment où nous sauterons ensemble, conception et chorégraphie de Mélanie Perrier

Interprètes : Marie Barbottin, Pep Garrigues, Claire Malchrowicz, Jérémy Martinez, Bérangère Roussel

Compositeur et percussionniste en live : Thierry Balasse

Créateur lumière : Jan Fedinger

Spatialisation du son : Nicolas Martz

Assistante, consultante en AFCMD, soins : Nathalie Schulmann

Durée : 40 minutes

Dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

Le 25 mai 2024 à 20h

Théâtre Louis Aragon

24 boulevard de l’Hôtel de Ville

93290 Tremblay-en-France

Tél. 01 49 63 70 58

www.theatrelouisaragon.fr

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