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Jours de Joie d’Arne Lygre, mise en scène de Stéphane Braunschweig, à l’Odéon Théâtre de l’Europe, Paris

Sep 18, 2022 | Commentaires fermés sur Jours de Joie d’Arne Lygre, mise en scène de Stéphane Braunschweig, à l’Odéon Théâtre de l’Europe, Paris

 

© Simon Gosselin

 

ƒƒ Article de Sylvie Boursier

On attend toujours Godot à l’Odéon mais… en famille et en chœur. Sur un banc, au bord d’une rivière et près d’un cimetière, Becket a rendez-vous avec Tchékhov. Trois groupes vont se croiser dans ce lieu improbable alors que chacun espérait y être seul. Dans l’obligation de cohabiter ils se mettent à parler du mariage, de la maternité, de la mort, de l’amour, bref des « choses de la vie », comme disait Claude Sautet. C’est alors qu’un jeune homme apparaît pour mieux disparaître en déclarant : « je vais disparaître […] je ne suis ici que pour vous dire au revoir, et ensuite je disparais ». Changement de décor dans la seconde partie de la pièce qui fait entendre les multiples impacts qu’un tel évènement peut avoir sur ses proches.

Il ne manque pas d’humour Arne Lygre d’intituler sa pièce Jours de joie car l’allégresse il faut vraiment la chercher dans cette chronique d’une disparition programmée. Selon Robert Anson Heinlein « la suprême ironie de la vie c’est que nul n’en sort vivant ». Son aphorisme rend bien compte du style de l’auteur Norvégien, comme une petite musique de chambre qui mêle l’ironie aux drames sans jamais s’appesantir. L’air de rien mais tout est dit, avec reprises des thèmes déclinés par chaque membre de la famille. D’où un sentiment d’une inquiétante étrangeté. Il y a quelque chose de Martin Crimp chez Arne Lygre dans sa capacité à faire ressentir aux spectateurs la violence des relations humaines, le choc des déchirements, ce qu’il faut de résilience pour durer sans aucune image brutale avec des personnages qui semblent dénués d’individualité et désignés simplement par leur place dans la fratrie, une mère, une sœur, un père, un voisin.

Stéphane Braunschweig orchestre avec subtilité ce théâtre d’ombres d’autant plus présentes qu’elles disparaissent, notamment dans la première partie. Si les spectateurs ne restent pas à quai par trop d’austérité, c’est grâce aux comédiens qui investissent leur rôle avec beaucoup de simplicité et restituent la part d’humanité de leurs personnages. Leurs questionnements sont les nôtres. Qui n’a pas rêvé un jour d’échapper à la place qui est la sienne, de disparaître pour apparaître ailleurs, autrement. La seconde partie manque de rythme et s’essouffle quelque peu. Du coup l’académisme prend le pas et on finit par rester extérieurs à cette quête pathétique de Jours de joie.

Exercice formel à la structuration complexe en même temps que tragédie de nos émois, voilà un théâtre rare, glaçant et comique à la fois. À découvrir en ce début de saison.

 

© Simon Gosselin

Jours de joie, d’Arne Lygre

Mise en scène : Stéphane Braunschweig

Lumières : Marion Hewlett

Son : Xavier Jacquot

Costumes : Thibault Vancraenenbroeck

Avec : Virginie Colemyn, Cécile Coustillac, Alexandre Pallu, Pierric Plathier, Lamya Regragui Muzio, Chloé Réjon, Grégoire Tachnakian, Jean Philippe Vidal

 

Durée : 2 h 20

Du 16 septembre au 14 octobre 2022 à 20 h

Le dimanche à 15 h

 

 

Odéon, théâtre de l’Europe

Place de l’Odéon

75006 Paris

Réservation : 01 44 85 40 40

www.theatre-odeon.eu

 

Tournée :

Le 11 et 12 janvier 2023, CDN de Besançon

 

Jours de joie d’Arne Lygre, traduit par Stéphane Braunschweig et Astrid Schenka l’Arche éditeur, 2022.

 

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