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Je suis un pays, de Vincent Macaigne mise en scène Vincent Macaigne, au Théâtre de la Colline

Juin 04, 2018 | Commentaires fermés sur Je suis un pays, de Vincent Macaigne mise en scène Vincent Macaigne, au Théâtre de la Colline

ƒ Article de Victoria Fourel

©  Wavian et Mathilda Olmi

Il y a eu une catastrophe. Economique, écologique, globale. Et ensuite, des tentatives de reconstructions. Bancals, les hommes tentent de se relever, entre peur et espoir. Fresque titanesque et onirique, Je suis un pays se fait l’écho de cette dystopie, et de notre époque, par la même occasion.

Il est extrêmement compliqué de rester neutre pour parler d’un tel spectacle. Le grand conte apocalyptique de Vincent Macaigne nous attrape et nous choque à de nombreuses reprises. Il y a le son, dans nos oreilles en permanence, inquiétant ou festif, il y a la fumée qui envahit complètement la salle et empêche de distinguer les traits pendant de longues périodes, il y a la vidéo, qui nous force à être spectateur d’un peu plus loin encore, il y a le sang et la salissure, omniprésents, pour choquer et manipuler les corps. Il y a aussi du volume visuel, des micros pour que tout soit entendu, jusqu’à l’overdose de bruit.

Le travail est immense, et on ne peut nier que c’est ce qu’on pourrait appeler un spectacle total. Un spectacle qui ne laisse aucun médium lui échapper pour se raconter. Un spectacle de collectif, où tout le monde est sali, touché, embarqué. Plein de modernité. De très grands moments jouent avec notre perception : on ne distingue plus rien à cause des machines à fumée, et soudain le bruit d’une chute dans l’eau. Que se passe-t-il ? Qui est tombé et surtout où est l’eau ? Ou encore, lorsque des spectateurs munis de lampes frontales sont sur scène, ce sont eux qui éclairent l’action par leurs mouvements de tête, au gré des bruits qu’ils entendent. C’est malin, drôle et contemporain.

Pour autant, il y a une volonté de troubler et de malmener le spectateur, qu’il appartient à chacun d’apprécier ou non. Les oreilles bourdonnent, la fumée est partout, on cherche à faire participer le public en permanence. Ce n’est pas un spectacle dont on vous laisse vous imprégner. Il n’y a pas de vide, pas de silence pour laisser notre regard le remplir, et c’est un problème, face à tant d’informations, tant d’idées, tant de violence, parfois. Le texte est hurlé la plupart du temps, témoignant de l’engagement sans frein des acteurs, mais donnant en même temps l’impression d’un spectacle qui tape, sans nuance. C’est peut-être simpliste que de le dire, mais les nuances de volume sonore, surtout au micro sont des moyens magnifiques de créer la surprise. Ici, on oublie parfois d’écouter le texte tant l’intention est bruyante.

Texte, justement, qui réserve de beaux moments, à la fois littéraire et chargé de moments de concret très drôles. Il souffre malgré tout de son aspect « d’un bloc » lui aussi, constitué de très longs monologues en forme de manifestes, tantôt politiques, tantôt intimes. Plus de silence, donc, et plus de dialogue aussi, auraient permis une respiration. Surtout que ce spectacle est riche de sens et d’une vraie vision. Le mélange entre le collectif et l’individu dans un monde détruit, les figures politiques inoxydables qu’on fait disparaître puis émerger à nouveau sans fin, en mal d’un guide, les refuges derrière les figures prophétiques quand tout va mal. Avec un humour cruel et une grande poésie, Vincent Macaigne parle de nous et de nos générations.

Je suis un pays, c’est un titre qui a une odeur d’excès. Et c’est aussi ce que dégage le spectacle. Excessif, complexe, éprouvant, presque. Il choque et fatigue autant qu’il intéresse et qu’il réveille. On peut tout à fait rester dans cet entre-deux en tant que spectateur, reconnaître l’un et l’autre. Moi en tout cas, je vais y rester, faute de savoir si je penche pour l’un ou pour l’autre.

 

Je suis un pays
Texte Vincent Macaigne
Mise en scène Vincent Macaigne
Conception scénographique, visuelle et sonore Vincent Macaigne
Scénographie Julien Peissel
Compositions musicales Noiva Materia
Vidéo Benjamin Cohenca
Son Clive Jenkins, Lug Lebel, François Thuillard.

Avec Sharif Andoura, Candice Bouchet, Pauline Lorillard, Vimala Pons, Rodolphe Poulain, Hedi Zada et Madeleine Andoura, Nina Béros et Lila Poulet en alternance.

Du 31 mai au 14 juin 2018, du mardi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h.

Théâtre de la Colline
15 rue Malte-Brun 75020 PARIS
Réservation 01 44 62 52 52
http://www.colline.fr

 

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