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Je suis perdu, texte et mise en scène de Guillermo Pisani, Théâtre de la Tempête, Paris

Juin 08, 2024 | Commentaires fermés sur Je suis perdu, texte et mise en scène de Guillermo Pisani, Théâtre de la Tempête, Paris

 

© Pauline Le Goff

 

ƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette

Je suis perdu, un texte et une mise en scène de Guillermo Pisani est, pourrait-on dire, trois pièces en une. Les deux premières ont des fenêtres sur la cour de l’une et de l’autre et la troisième, longue, plus sérieuse, tente de nous rendre savants c’est au moins ce que l’on aimerait être pour mieux ressentir l’évidence de son lien avec ces deux premières copines.

Dans chacunes de ces mini pièces sont présentés un ou une immigré-e non européen et les difficultés rencontrées pour une véritable et tranquille intégration. La première pièce présente un homme ayant trouvé refuge chez une jeune femme, pour deux semaines apparemment. Il va se passer quelque chose mais allez savoir quoi, une tension grimpe légèrement, du flou s’échange, se comprennent-ils ? Que veut-elle ? Que veut-il ? C’est un réfugié et ils ont du mal à se comprendre, à parler. Elle est sur ses pieds, droite et qui sait, séduite en refusant de l’avouer, lui est perdu, loin, avec envie de découvrir dehors plutôt que son intérieur. Ou davantage lui aussi ? Impression qu’elle cherche avant tout à diriger plus qu’à rendre service, accueillir. Être impératrice plus que main tendue. Nous sommes pris, de plus en plus et hop ! grand noir.

Et nous passons à la deuxième pièce qui, elle, nous montre certaines difficultés face à une mise en scène. Une femme metteur en scène sur-dirige les acteurs, un homme et une femme. Précisons que l’homme est étranger et auteur de la pièce mais il n’a pas un mot à dire. Au propre comme au figuré presque. C’est elle qui a raison. Elle qui a le droit, parce qu’elle a décidé d’avoir le droit. Caractère, caractère… Difficultés d’être face à face, d’accepter certaines choses sans être tenté par la gifle salvatrice.

La troisième longue pièce démarre et il va nous falloir aussi des tubes à essais, réchauds, blouses blanches pour trouver plus nettement un lien avec ses copines du début. Rien n’est évident… Elle représente l’ascension d’une jeune et brillante jeune femme étrangère au cœur du CNRS et comment sa directrice tente, puis réussit à lui dérober les honneurs des excellents résultats de ses recherches. L’une est toute gentille et pas très sûre d’elle, celle d’en face sait répéter qu’elle a raison quoi qu’elle dise et surtout c’est elle qui dirige, décide. Donc silence…

Je suis perdu montre les échanges, la vie, le travail en commun, possible ou non, est-ce le thème général ? Peut-être. Le sujet est censé être les rapports entre Français et étrangers. Une pièce sur l’échange et la domination, la souffrance liée à la simplicité positive, la gloire complexe et négative à travers tous ces échanges que nous avons sous les yeux. Oui, très bonne idée. Très bon jeu, nous sommes pris et ces personnages plaisent rapidement. Mais les deux premières petites pièces peuvent trouver quelques échos l’une à l’autre, d’amusantes résonnances. Elles sont rythmées, rapides, entraînantes. Ce n’est pas le cas de la troisième, lente, trop longue, trop évidente. Oui, nous avons compris, c’est bon, où va rebondir soit l’allégresse soit l’originalité ? Nulle part. Une découverte sympathique de la lenteur. On imagine la pièce terminée à un moment donné mais non, pas encore, une petite resucée. Nous sommes perdus et malgré tout attachés à ces trois personnages, nouveaux dans chaque pièce, première, deuxième et troisième. La mise en scène fonctionne. La scène est noire, quelques chaises, des œufs scientifiques pour la soirée et l’ennui est absent. Le passage d’une partie à l’autre de ce spectacle fonctionne très bien, impression qu’un rideau est tiré pour de vrai. Mais le vrai sujet sur les personnages non européens saute-il aux yeux du début à la fin ? Oui dans la première, pas le choix, comment communiquer vraiment facilement sans parler la même langue ? Pour la deuxième, un petit peu et pour la dernière, on voit un foulard sur la tête de la jeune chercheuse, oui mais c’est tout. Il nous arrive de nous perdre à nous aussi. Des évidences donc, de la joie ici où là, des questions parfois. Un spectacle à voir, pour chercher, nous rendre compte que ce qui nous semble si net ne l’est pas tout le temps.

 

© Pauline Le Goff

 

Je suis perdu, écrit et mis en scène par Guillermo Pisani

Sur une conception de Bruno Marsol

Lumières : Clara Pannet

Conseils scénographie, costumes : Céline Perrignon

Avec : Caroline Arrouas, Boutaïna El Fekkak, Arthur Igual

 

Du 7 au 23 juin 2024

Du mardi au samedi : 20h30

Dimanche : 16h30

Durée : 1h45

 

Théâtre de la Tempête

Salle Copi

Cartoucherie – Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

 

Réservation 01 43 28 36 36

www.la-tempete.fr

 

La pièce est éditée chez Esse que éditions

 

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