À l'affiche, Critiques // Je ne suis pas Michel Bouquet, de Michel Bouquet, mise en scène de Damien Bricoteaux, Théâtre de Poche

Je ne suis pas Michel Bouquet, de Michel Bouquet, mise en scène de Damien Bricoteaux, Théâtre de Poche

Sep 06, 2019 | Commentaires fermés sur Je ne suis pas Michel Bouquet, de Michel Bouquet, mise en scène de Damien Bricoteaux, Théâtre de Poche

 

© Laura Gilli

 

 

ƒ article de Denis Sanglard

« Je ne suis pas Michel Bouquet » n’est pas une biographie de ce monstre sacré du théâtre. Si quelques éléments biographiques émergent c’est avant tout pour souligner la genèse d’une vocation, d’une carrière qui sans nul doute plonge ses racines à la fois dans un milieu familial singulier, une enfance solitaire, une période tragique – la guerre de 1939-1945 – et des rencontres qui bouleversèrent une trajectoire (Maurice Escande, Albert Camus). C’est avant tout le testament d’un artiste qui pose là, sans certitude pour autant, ce qui fut son art, sa conception d’un métier tout entier attaché à l’écriture, au propos de l’auteur, au personnage à défendre, fusse-t-il le pire des salauds. Molière, Shakespeare, Anouilh, Ionesco, Pinter, Beckett, Bernhard comme chevaux de bataille et pour mémoire… Diderot, bien-sûr, est cité, référence incontournable. Le Paradoxe du comédien étant sans doute pour Michel Bouquet la théorie la plus juste d’un art qui vous dépossède, demande à la fois « une tête de fer » mais aussi un renoncement à soi. Ne pas atteindre ça, être désincarné pour reprendre Louis Jouvet, serait alors faire « du Michel Bouquet », soit la pire des choses. Puisque sans intérêt. Mais pas plus leçon de théâtre que ça, c’est avant tout le parcours d’une vie tout entière vouée à son art, qui s’exprime ici, d’une misanthropie qui n’est qu’un faux-nez et qu’on pourrait accuser à tort d’être réac parfois, ce dont il se défend avec beaucoup d’humour. Non, disons que Michel Bouquet quoique fin observateur de notre société et de ses mutations n’affirme en aucun cas que c’était mieux avant. Différent sans doute mais pour qui s’est toujours mis en retrait, en recherche d’absolu, voire d’une liberté farouche, le monde semble s’être dissous, l’individu disparu au profit de la masse. Reste, quoiqu’il s’en défende, la transmission d’un art qui fut son cœur battant, sans cesse questionné, poli par l’expérience. Création d’après « Les joueurs, entretiens avec Charles Berling », mise en scène de façon simple, efficace et fluide par Damien Bricoteaux, et interprété par… Fabrice Lucchini. Enfin, disons que c’est avec sidération que nous croyons l’entendre. Tout y est, inflexion, diction, articulation appuyée, scansion, maniérisme, jusqu’au rictus du sourire, tant Maxime d’Aboville semble être habité, hanté voire possédé par celui-ci. Mimétisme irritant, volontaire ou non, espérons que non, et quand bien même, qui vous fait grincer des dents d’emblée et finit par parasiter et balayer l’ensemble, oblitérant malgré soi une création qui sans cela ne manque pas de qualité. « Lucchini sort de ce corps ! » a-t-on envie de hurler, fortement et rapidement agacé. Dommage. Car l’énergie et la conviction ferme de Maxime d’Aboville, son admiration pour Michel Bouquet, aurait sans nul doute emporté l’adhésion.

 

© Victor Tonelli

 

Je ne suis pas Michel Bouquet de Michel Bouquet

Mise en scène Damien Bricoteaux

Décor Marguerite Danguy Des Déserts

Lumières François Loiseau

Avec Maxime d’Aboville

 

À partir du 4 septembre 2019 à 19h

 

Théâtre de Poche Montparnasse

75 boulevard du Montparnasse

75006 Paris

 

Réservations 01 45 44 50 21

www.theatredepoche-montparnasse.com

 

 

 

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