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Je m’appelle Ismaël, texte et mise en scène de Lazare au T2G – Théâtre de Gennevilliers

Mar 25, 2019 | Commentaires fermés sur Je m’appelle Ismaël, texte et mise en scène de Lazare au T2G – Théâtre de Gennevilliers

 

© Jean-Louis Fernandez

 

ƒƒ article de Nicolas Thevenot

Présenté comme un projet hors-norme, parce qu’il embrasse l’art cinématographique, la musique et le théâtre, Je m’appelle Ismaël l’est aussi par l’énergie combative qu’il déploie pendant presque trois heures. Telle une mer déchaînée, cette fable donne libre cours à sa furie surréaliste, à ses embardées de science-fiction et de série B, sans jamais reprendre son souffle. Il y sera question d’un complot ourdi par un certain Alain Melon, psychiatre financé par Hollywood. A l’aide des disquettes du programme Laura, les humains seront « resetés », sans mémoire, réduits ainsi à l’état de moutons bêlant à la démocratie et au « narco-capitalisme » (Narco c’est connard à l’envers nous dit Lazare). Il y aura Jésus-Christophe (JC, comme une réminiscence nietzschéenne), le poète (Gérard de Nerval), les Scripts Doktors (officiant au Festival de Cannes), Perceval, son cheval, et tant de choses qu’il serait vain et difficile d’en rendre compte.

Ce monde sorti de la tête d’Ismaël, saturé de fictions naïves et déroutantes, de personnages ubuesques, de rebondissements aberrants, est un antidote au flux ininterrompu, en zappance permanente, que la société de consommation 2.0 applique à nos cerveaux. Il y a quelque chose de dionysiaque dans ce capharnaüm. Il y a aussi quelque chose de politique dans ce rapport poétique au réel qui déboulonne et fait riper les vérités : quand le monde est abreuvé de TINA (« there is no alternative ») décliné dans toutes les langues sur le mode de la vérité absolue, il est vital de retourner au fondamental : à cette enfance que l’on pensait endormie et qui se réveille hurlant ses rêves.

« Nos pensées bougent autour de nous comme des débris » diagnostique le docteur Alain Melon.

Notre monde, nous dit Lazare rejoignant Valère Novarina, est désormais un monde de communicants : un monde de l’efficacité, où les mots ont un sens défini une fois pour tous, où la création est réduite à la portion congrue laissant place au marketing et aux Scripts Doktors qui corrigent désormais le monde où nous vivons…

Lazare a conçu son projet au lendemain des attentats de 2015. Pourtant, contrairement à d’autres œuvres initiées dans le même contexte (on pense au troisième volume de Vernon Subutex, ou au Je suis Fassbinder de Falk Richter), on n’y trouve pas cette lucidité mélancolique qui résonnait douloureusement dans le contrecoup de l’événement. On n’y trouve pas non plus de questionnement sur ce que l’événement terroriste faisait à nos esprits, à l’inverse de l’écrivain Don de Lillo qui constatait dans son roman Mao II que le terrorisme réussissait ce que l’écrivain avait tenté de faire avec le roman sans y parvenir : pénétrer et modifier l’imaginaire des hommes. Comme si Don de Lillo réalisait que cette violence-là par les émotions qu’elle mettait en jeu au plus profond de nos êtres archaïques, atteignait cette fameuse aura de l’œuvre, conceptualisée par Walter Benjamin à l’époque de la reproduction des œuvres : L’aura est l’unique apparition d’un lointain, si proche soit-il.

Pour Lazare, le monde de l’aura de Walter Benjamin a été dévoyé en monde de Laura, du nom du programme financé par Hollywood pour décérébrer l’humanité. Dans cette satire intranquille, l’attentat n’a pas laissé de traces, la société a fait le ménage des mémoires, recouvrant immédiatement l’horreur par une frénésie fictionnelle et consommatrice accrue. Les vanités offertes aux masses en remède au drame ont étouffé les folies poétiques et bienfaitrices d’un Gérard de Nerval.

 

© Jean-Louis Fernandez

 

Je m’appelle Ismaël, texte et mise en scène Lazare

Collaboration artistique Anne Baudoux, Laurie Bellanca, Marion Faure

Scénographie Vincent Gadras

Lumières Kelig Le Bars

Son Jonathan Reig

Costumes Léa Perron

Cheffe opératrice Audrey Gallet

Assistanat musical Laurie Bellanca

Avec Anne Baudoux, Laurie Bellanca, Audrey Gallet, Odile Heimburger, Thibault Lacroix, Olivier Leite, Emile Samory Fofana, Philippe Smith, Veronika Soboljevski, Julien Villa et Marion Faure

 

Séquences filmées

Réalisateur Lazare

Montage Lazare, Anne-Sophie Bussière, Jeanne Sarfati

Chefs opérateu·trice·s Nicos Argilet, Balthazar LAB, Thomas Bataille, Robin Fresson, Audrey Gallet, Frédéric Mainçon

Ingénieur son Matthieu Perrot

Régie générale Bruno Bléger et Bertrand Sombsthay

Régie lumière Alexandre Rätz

Régie vidéo Sébastien Sidaner

Poursuiteur Yoan Weintraub

Habilleuse Marion Xardel

Avec les acteur·trice·s de Je m’appelle Ismaël et Axel Bogousslavski, Vincent Brousseau, Alain Fride, Lisa Guez, Julie Hega,  Louis Jeffroy, Abdel Lamrani, Lazare, Olivier Martin-Salvan, Cécile Massinéo, Mourad Musset, Ouria, Jean-François Perrier, Bernard Traversa, Deila Vogur et la voix d’Alexandre Michel

 

Du 21 mars au 1er avril 2019

Durée 2h50

 

T2G – Théâtre de Gennevilliers, centre dramatique national

41 avenue Grésillons

92230 Gennevilliers

 

Réservation au +33 (0) 1 41 32 26 26

www.theatre2gennevilliers.com

 

Tournée

Le vendredi 3 mai 2019

Le Liberté – Scène Nationale Toulon

Grand Hôtel – Place de la Liberté

83000 Toulon

Réservation au + 04 98 00 56 76

www.theatre-liberte.fr

 

Du 4 au 8 juin 2019

Théâtre de la Ville (Théâtre des Abbesses)

31, rue des Abbesses

75018 Paris

Réservation au + 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

 

 

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