ƒƒƒ article de Nicolas Brizault

© Gregory Batardon

Danseuse depuis l’âge de cinq ans, quittant ensuite le Japon pour mieux tenter de le comprendre, Kaori Ito s’est installée en France depuis quelques années. Elle a travaillé entres autres avec Decouflé, Preljocaj, Thierrée… Elle a reçu le prix Nouveau talent chorégraphie de la SACD et a été nommée chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres. Son père Hiroshi Ito est sculpteur au Japon. Il est l’auteur notamment de cette énorme masse sombre et mouvante, énigmatique qui le sépare parfois de sa fille sur scène.

Je danse parce que je me méfie des mots a été présenté en 2015 et connaît depuis un immense succès. Sur scène avec son père, Kaori Ito veut comprendre, percer les mystères complexes que nous avons tous, là, sur terre, pourquoi, pour qui, comment ? Elle commence d’ailleurs par une série surprenante de questions posée à son géniteur, assis sur une chaise, immobile, présent et invisible : « Pourquoi tu as perdu tes cheveux ? Qu’est-ce que tu ferais si tu avais une autre vie ? Pourquoi tu aimes le couscous ? »… Une pluie de questions, de plus en plus fortes, qui vont pousser Hiroshi Ito à se mettre à danser, à tenter de rejoindre sa fille. Une fille et son père sur scène, qui vont jouer, danser, parler et se taire. Tenter, chercher.

Je danse parce que je me méfie des mots : il faut l’avouer, le titre titille et vient sans doute happer le spectateur ici ou là. On se dit cette femme va danser avec son père, ils vont jouer avec cette sculpture noire géante posée dans un coin, et voilà. Certes ils s’amuseront, oui, des échanges de toutes sortes jailliront mais le silence aussi sera présent, lourd et terrible, sur scène et dans la salle. Un silence si dense qu’il entre partout avec facilité, rejoignant une unité évidente.

Kaori Ito naît et devient femme vivante, avec tous les détours, plaisirs et difficultés que cela entraîne. Un lent exprès se développe sur scène, jusqu’au point d’interrogation, la surprise, de Kaori et Hiroshi Ito. Leurs talents différents, opposés parfois, leur identité physique si complexe, créent un élan uni, évitant toute mièvrerie. Bien au contraire. On sent la vie passée du père, la vie présente de la fille. La femme, l’homme. Une vie et ses remous, ses questions, fortes ou connes mais qui font mal ou qui font rire. Et toutes les idées hachées, souvenirs, questions qui parfois fondent l’essence d’une famille, qu’on le veuille ou non. Oui, devons-nous bouger ? Avancer ? Ce spectacle, ce moment, c’est une définition de la vie dans un dictionnaire japonais trouvé en France, le tout à travers des symboles répétés qui construisent et apportent vers la mort.

Je danse parce que je me méfie des mots
De Kaori Ito
Avec Kaori Ito (fille) & Hiroshi Ito (père)
Texte, mise en scène & chorégraphie Kaori Ito
Assistant à la chorégraphie Gabriel Wong
Dramaturgie et soutien à l’écriture Julien Mages
Scénographie Hiroshi Ito
Lumières Arno Veyrat
Musique Joan Cambon et Alexis Gfeller
Conception des masques et regard extérieur Erhard Stiefel
Costumes Duc Siegenthaler (Haute Ecole d’art et de design de Genève)
Coaching acteurs Jean-Yves Ruf

Du 3 au 11 mai 2017
20h30

Théâtre de la Ville/Espace Pierre Cardin
1 avenue Gabriel
75008 Paris
Réservations 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

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