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James Brown mettait des bigoudis, texte et mise en scène de Yasmina Reza, Théâtre National de la Colline

Sep 22, 2023 | Commentaires fermés sur James Brown mettait des bigoudis, texte et mise en scène de Yasmina Reza, Théâtre National de la Colline

 

 

© An- ray – Yasmina Reza

 

ƒ article de Article de Sylvie Boursier

Si James Brown mettait des bigoudis, Maryline Monroe, autre sex symbole, portait des boots de bikers. Jacob, le héros de la pièce, se prend pour Céline Dion et son ami Philippe, blanc de peau, se vit comme noir avec un penchant pour James Brown. Ils s’imaginent séjourner dans une maison de repos qui est en fait un hôpital psychiatrique régenté par une psychiatre fantasque. Pascaline et Lionel, les géniteurs de Jacob le visitent régulièrement. Yasmina Reza joue à plein le comique de situation quasi beckettien avec ce couple complétement dépassé attendant en vain qu’on leur rende leur « Pitounet Godot ». Elle surfe sur l’air du temps tout en posant de vraies questions : au nom de quel déterminisme serait-on assigné à vivre selon notre genre biologique, notre sexe d’origine ? Qu’est-ce que l’identité ?

L’auteur peut compter sur une distribution virtuose emmenée par Micha Lescot dans le rôle de Jacob. Cette grande asperge souple comme un poulpe compose une Céline émouvante et drôle, jamais vulgaire, tout en finesse. Il réussit même à remettre au goût du jour le hula hoop, injustement tombé en désuétude. André Marcon est royal dans le rôle du père, suffoqué devant son rejeton à l’accent québécois et au jogging rose fluorescent. Son couple avec Josiane Stoléru la mère, fonctionne parfaitement dans le contrepoint absurde. L’une s’adapte quand l’autre joue l’atrabilaire lançant des regards exaspérés au public. Ils font mouche à chacune de leurs apparitions.

Malgré les performances des comédiens, tous irréprochables, on côtoie le vide d’un texte parfois creux et comme dit jacob « on ne peut pas chanter sa joie dans le vide », résumant parfaitement le sentiment des spectateurs à ce moment-là. Ainsi la démonstration sur le genre devient vraiment lourde lorsque Philippe James Brown entreprend de planter dans le jardin de l’hôpital francilien un sycorus, arbre du bayou, histoire de montrer que même les plantes peuvent s’acclimater dans un biotope différent de leur « genre » originel. La métaphore occupe plusieurs scènes, dépotage, rempotage, protection du végétal contre toute tentative de récupération, Philippe va jusqu’à s’enchaîner au tronc, là, on frise le ridicule. On a en même temps certains moments très beaux. Ainsi la conférence mémorable donnée par la psychiatre revisitant le conte de Grimm, Cendrillon à la manière de Joel Pommerat. Les deux sœurs maltraitantes « jolies et blanches de visage mais laides et noires de cœur » se révèlent maltraitées par cette oie blanche de Cendrillon « parangon de pureté ». A la fin elles ne se marient pas et n’ont pas beaucoup d’enfants mais trouvent le chemin de leur liberté. Yasmina Reza retourne l’archétype et livre un message aussi brillant qu’inattendu sur le rapport à la norme. Christèle Tual, abattage de reine et port de diva, crève l’écran dans ce rôle de psychiatre qui déambule en trottinette.

Malheureusement l’ennui nous rejoint avec une mise en scène répétitive qui manque de folie. Les acteurs semblent perdus sur le grand plateau de la Colline, avec des entrées sorties rythmées systématiquement au son du trombone de Joachim Latarjet, excellent musicien au demeurant.

James Brown a raté sa mise en plis et Céline s’en va de la caisse, mais c’est une autre histoire…

 

© An- ray – Yasmina Reza

 

James Brown mettait des bigoudis, texte et mise en scène de Yasmina Reza

Costumes : Marie La Rocca

Lumières : Eric Soyer avec Marie Hervé

Avec : Micha Lescot, André Marcon, Alexandre Steiger, Josiane Stoléru, Christèle Tual et le musicien Joachim Latarjet

Durée : 1h 45

Jusqu’au 15 octobre, du mercredi au samedi à 20h30, mardi à 19h30 et dimanche à 15h30, relâche le dimanche 24 septembre

 

Théâtre national de la Colline,

15 rue Malte Brun

75020 Paris

 

Réservation : 01 44 62 52 52

www.colline.fr

 

Du 27 mars au 5 mai 2024 au théâtre Marigny

Le texte de Yasmina Reza a paru aux éditions Flammarion le 30 08 2023

 

 

 

 

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