© Tristan Jeanne Valès
ƒƒ article de Victoria Fourel
Une soirée, deux rencontres. L’une avec James Baldwin, l’autre avec Nina Simone. Deux figures de leur époque, deux engagements, deux forces de la nature. Et deux spectacles indépendants et intimes sur des vies croisées.
Il est intéressant d’avoir eu l’envie de mettre ces deux spectacles en relation. Et force est de noter, d’abord et avant tout, qu’ils ont tout à fait leur place dans une même soirée. Car ils sont des portraits. Et donc, d’après Richard Avedon, des opinions, et non des amabilités.
Dans le premier, on parle de ce que les photos disent de nous, de la rencontre inattendue d’un photographe blanc et juif avec un écrivain noir, homosexuel. On parle de l’amitié que l’on se porte, des vieux amis qui se retrouvent toujours, et du regard que ces deux-là ont de l’Amérique. Un regard profondément aimant, mais qui sait combien son histoire est pavée de douleurs.
Si les parallèles et passages entre les personnages et les comédiens ne sont pas évidents à saisir, ils apportent une autre tonalité à cette discussion, qui devient plus personnelle encore dans les bouches de Marcial di Fonzo Bo et Jean-Christophe Folly. Ils offrent aussi un regard sur la préparation d’une telle création, qui passe forcément par la discussion et l’improvisation. C’est une forme légère, gérée en technique de l’intérieur, par les acteurs, et qui tient presque de la discussion avec le public, la conférence imaginaire. Cela peine parfois à insuffler une énergie suffisante au tout, malgré une grande intelligence dans le propos et dans la forme.
Nina, elle, c’est autre chose. Pour le coup, l’énergie y est débordante, presque animale. Ludmilla Dabo passe par les chansons et par le corps pour nous donner à sentir le tourbillon qu’était Nina Simone. Dans cette seconde partie, l’accent est mis avec plus de précision sur un seul personnage, et notre attention en est vraiment captivée. Là aussi, il s’agit d’une forme légère et mobile, où peu de choses permettent de créer de nouvelles étapes de vie.
La présence de David Lescot porte celle de Ludmilla Dabo, et le parallèle est fait, là aussi, entre la comédienne et l’artiste qu’elle incarne. On se pose la question du parcours personnel dans la création d’un spectacle, le lien qu’il est nécessaire, ou non, de faire.
Impressionné par les ruptures de jeu et la vivacité de la comédienne, on est pourtant particulièrement touché quand, à la fin du spectacle, elle lâche l’énergie débordante et frontale qu’elle tient depuis le début, pour chanter une dernière chanson, dans la douceur, l’intimité. Car tout à coup, il y a moins de bruit, plus de place pour la confession.
Baldwin-Avedon : entretiens imaginaires, texte Kevin Keiss et Élise Vigier
Mise en scène Élise Vigier
Avec Marcial di Fonzo et Jean-Christophe Folly
Ludmilla en Nina Simone, texte et mise en scène David Lescot
Avec Ludmilla Dabo et David Lescot
Du 19 au 22 novembre 2019, du mardi au vendredi à 19 h 30
Durée 2 h 30 avec entracte
Théâtre de la Croix-Rousse
Place Joannès Ambre
69004 Lyon
Réservation au 04 72 07 49 49
www.croix-rousse.com
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