Critiques // J’ai des doutes, d’après Raymond Devos, conception François Morel, au Théâtre de Suresnes- Jean Vilar

J’ai des doutes, d’après Raymond Devos, conception François Morel, au Théâtre de Suresnes- Jean Vilar

Juin 04, 2018 | Commentaires fermés sur J’ai des doutes, d’après Raymond Devos, conception François Morel, au Théâtre de Suresnes- Jean Vilar

ƒƒ Article de Victoria Fourel

© DR

Il y a un montage de textes de Raymond Devos, aux ressorts éprouvés et approuvés, un comédien qui sait quoi en faire, un musicien qui habille et complète ces fragments. Il y a une boucle bouclée d’un artiste à l’autre, d’une génération à l’autre, un vrai hommage d’humour et de littérature.

Un peu comme on devine une filiation entre Desproges et De Groodt, ce spectacle pose sous nos yeux celle entre Devos et Morel. Bien sûr, et comme l’annonce le comédien, il n’y a eu et il n’y aura qu’un Devos. Mais en s’appropriant et en choisissant ses textes, Morel et Sahler nous proposent une chose : un spectacle simple et sans ambages pour retrouver le goût des mots de l’humoriste, ce goût fin pour les lettres qui croquent et s’entrechoquent. Les deux artistes restent dans leur élément commun, un humour poétique et musical, et reprennent d’ailleurs quelques aspects de décor ou de construction de mises en scène précédentes. C’est un peu comme si ce duo revenait pour une nouvelle tournée, sans laisser derrière lui ses anciens effets. On peut trouver cela ennuyeux, ou bien au contraire normal, comme un prolongement.

Sur scène, on est d’ailleurs presque face à un récital de Devos. Le pupitre et les instruments sont des éléments centraux au plateau, les transitions sont parfois de simples passages d’un titre à l’autre… Les deux interprètes passent de pastille en pastille, sans tenter par tous les moyens de créer un fil. Là encore, on peut trouver ça facile, ou on peut trouver ça respectueux. Respectueux de l’écriture des sketches, rapides, parfois nerveux, jamais trop longs. Comme souvent chez Morel et chez le duo, certains effets surprises, -lumières, instruments de musique bizarres, entrées et sorties pleines de gags – sont là pour passer d’un one man show classique à un vrai spectacle absurde, voire au spectacle pour enfants, parfois. C’est ce qui fait toujours le charme de leurs collaborations. D’un genre à l’autre, d’une ambiance à l’autre, on est toujours dans le même spectacle, parce qu’ils se ressemblent tous, et en même temps, on n’est jamais au même endroit exactement.

Raymond Devos a cette capacité, encore aujourd’hui, à être à la fois très drôle de façon immédiate, mais aussi à rassembler autour de la langue et de la maîtrise de cette langue. Autrement dit, on peut l’étudier à l’école et en rire juste après. C’est ce que l’on prend plaisir à redécouvrir ici. Les extraits audio, que l’on entend et qui rendent la présence de Devos palpable, s’attardent sur sa personne, sa pensée. Le rire, chez lui, est très physique, en jouant sur l’articulation et sur les sonorités des mots, mais il est aussi politique, médecin, poète. Autant de choses qui le lient à François Morel.

Pont entre les artistes faciles à faire, idées visuelles déjà vues et ton reconnaissable entre tous, le tout n’est pas vraiment original, et on ne peut pas dire que le regard est attiré, bousculé par une nouvelle facette de Devos ou de Morel. Mais il y a bien dans le spectacle des fulgurances de poésie dont les deux partenaires ont le secret, qui donnent l’impression d’être chez soi. A chacun de décider si cela suffit à se laisser porter.

 

J’ai des doutes
Texte d’après Raymond Devos
Conception François Morel
Avec François Morel et Antoine Sahler.

Le 29 et le 30 mai 2018à 21h.

Théâtre de Suresnes – Jean Vilar
16 place Stalingrad 92150 SURESNES
Réservation 01 46 97 98 10
www.athenee-theatre.com

 

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