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Isadora Duncan, concept de Jérôme Bel, Théâtre de la Commune / Festival d’Automne à Paris

Nov 29, 2019 | Commentaires fermés sur Isadora Duncan, concept de Jérôme Bel, Théâtre de la Commune / Festival d’Automne à Paris

 

© Camille Blake

 

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Isadora Duncan (1877-1927), pionnière de la danse moderne, une danse libre et délivrée de tout carcan. Corps affranchi du corset, pieds nus, loin des codes et des conventions de la danse classique. Une danse détachée de toutes techniques pour un langage propre à chaque danseur, reposant sur l’improvisation et l’invention, puisant sa source aux origines, l’antiquité grecque. Jérôme Bel convoque cette figure pour un nouveau portrait, série commencée en 2004 avec Véronique Doisneau. Solo réalisé pour Elisabeth Schwartz, danseuse et pédagogue, spécialiste, héritière et dépositaire d’une danse transmise oralement. Portrait en creux d’une femme émancipée, à la fin tragique, dont la vie singulière, aventureuse,  nourrissait aussi son art.

Ondulation, vague, ressac, éclaboussure, moutonne, frappe sur un rocher, flot, la mer se retire, tourbillon, sur l’eau, jaillir, dégouline… sont les indications données pour un solo. Rien à voir donc avec le vocabulaire traditionnel de la danse classique. Et ce qui fait la caractéristique de cette danse c’est combien elle est liée intimement à la vie. Le mouvement pour Isadora Duncan ne participait pas d’une technique mais se devait d’être nourri, habité d’une émotion, d’un sentiment. Démonstration avec le solo « La mère », crée huit ans après la disparition de ses deux enfants. L’émotion est là, palpable. Et l’étonnant solo « Revolutionary » qui acte l’engagement d’Isadora Duncan devant l’expérience communiste à son  retour de la Russie Soviétique en 1924. Mouvements fluides, bras déliés, corps habité, sensuel, Isabelle Schwartz, drapée de la tunique athénienne traditionnelle, traverse le plateau avec une grande légèreté et une présence qui irradie et captive la salle. Mais ce qui apparaît là c’est combien cette danse, de par son exigence, son audace et sa liberté absolue, n’a pas pris une ride. Par sa radicalité, son abstraction parfois, son apparente simplicité sans boursoufflure aucune, épurée et sobre elle ouvrait, à l’époque, et c’est une évidence, la danse à la modernité au risque du scandale. Et les héritiers sont nombreux qui ont trouvé dans cet héritage et sa transmission les bases de leur propre envol.

Mais ce qu’on aurait aimé entendre c’est Isabelle Schwartz elle-même. Le récit de la vie d’Isadora Duncan par l’assistante de Jérôme Bel, illustré par la danse, est certes loin d’être inintéressant, mais l’expérience d’Isabelle Schwartz ? Son histoire, la source de son engagement, son héritage, la transmission, son rapport à la danse et son enseignement aujourd’hui ? Véronique Doisneau, Cédric Andrieux, Pichet Klunchun, dans cette même série de portraits, échangeaient, dialoguaient. Volonté d’Isabelle Schwartz de s’effacer devant Isadora Duncan et de ne s’exprimer que par la danse ? Certes la puissance et l’émotion de cette danse peuvent en elles-mêmes palier tout discours. Certes la vie d’Isadora Duncan, sujet de cette création, est véritablement passionnante. Mais une petite frustration est là qui vous titille devant cette interprète habitée par cette danse et désespérément muette.

 

© Camille Blake

 

Isadora Duncan concept de Jérôme Bel

Avec Elisabeth Schwartz

Et en alternance Sheila Atala, Chiara Gallerani, Jérôme Bel

Chorégraphie Isadora Duncan

 

Du 28 au 30 novembre 2019 à 19 h 30

 

 

 

Théâtre de la Commune / CDN

2 rue Édouard Poisson

93300 Aubervilliers

 

Réservations 01 48 33 16 16

www.lacommune-aubervilliers.fr

 

Festival d’Automne à Paris

www.festival-automne.com

 

 

 

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