© Simon Gosselin
ƒ article de Toulouse
On avait connu Wajdi Mouawad un peu plus en forme, et nous nous souvenons avec émotion d’une de ces dernières créations, Tous des oiseaux, spectacle bouleversant qui sera bientôt repris à la Colline. Ici, l’écriture a tendance à se lisser fâcheusement.
L’histoire raconte l’odyssée d’un metteur en scène, perdu dans ses retranchements et ses convictions théâtrales. Il ne sait plus comment finir son intégrale de Sophocle, et la pièce qui lui cause le plus de soucis n’est autre que Philoctète, dont la traduction est brutalement stoppée par la mort de Robert Davreu, laissant un manuscrit inachevé. Il décide alors d’annuler la création. On le voit s’engouffrer dans ses doutes. Peut-être tout cela n’est autre que le reflet de ce seul en scène ? Les doutes d’un comédien, auteur, metteur en scène, et directeur de théâtre, posés avec justesse sur la scène mais qui, sans trop de recul, laisse un spectacle boiter à de nombreuses reprises… On regarde d’ailleurs tout cela avec beaucoup de distance, de loin, sans jamais plonger complètement avec lui. Même si le temps passe vite, et qu’il arrive à nous captiver tout du long, on garde un certain recul, comme si l’on se sentait à moitié concerné par ce « self-trip ». Pourtant l’actualité et les sujets qu’il pointe du doigt sont tout à fait universels et urgent de convoquer au plateau. Ils sont amenés de manière simples et tout à fait limpides, mais peut être par certains moments sans trop de profondeur, en venant parfois à dire des banalités.
L’histoire reste poignante, et ce que nous saluerons surtout reste le goût d’aventure de cette descente contemporaine aux enfers. Mouawad réussit avec brio à transposer ce que serait le monde de l’Hadès et des Olympiens aujourd’hui, où nos âmes se transforment en chiens affamés et errants, où le bel Appolon devient un touriste américain obèse revenant visiter les vestiges de son ancienne cité de Delphes, où le puissant Zeus en est réduit au sort de mendiant. Tout autant de décalages amusants qui font respirer le spectacle. On voit ce personnage en errance, seul face à lui-même et à sa mort, se balader de tableaux absurdes et plus ou moins violents, comme certains personnages à demi-éveillés dans les films de David Lynch. Ici la vidéo envahit l’espace théâtral et permet au soliste de se balader de paysage en paysage, de dialoguer avec d’autres acteurs à l’image et parfois même avec son double.
Malgré certaines maladresses on reste face à un spectacle qui nous embarque et nous questionne par moment. Espérons aussi que le jeu et toute la partition technique des enchaînements des séquences pourront s’affiner un peu plus avec le temps.
© Simon Gosselin
Inflammation du verbe vivre, texte, mise en scène et jeu de Wajdi Mouawad
A l’écran Dimitris Kranias
Dramaturgie Charlotte Farcet
Scénographie Emmanuel Clolus
Réalisation sonore Michel Maurer
Assistante à la mise en scène pour la reprise Valérie Nègre
Image, son, montage Wajdi Mouawad
Conception et régie lumières Sébastien Pirmet, Gilles Thomain
Conception costumes Emmanuelle Thomas
Musiques Michael Jon Fink
Fixing Adéa Guillot et Ilia Papaspyrou
Traductions Françoise Arvanitis
Assistant image et traductions Vassilis Doganis
Assistant montage vidéo Dominique Daviet
Mixage et régie son Jérémie Morizeau
Construction et régie plateau Marion Denier et Magid El Hassouni
Du 8 au 30 novembre 2018
Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30
La Colline Théâtre National
15, rue Malte-Brun
75020 Paris
Réservation au 01 44 62 52 52
Métro ligne 3 et 3 bis, station Gambetta (sortie n°3, Père Lachaise)
Bus 26, 60, 61, 69, 102 arrêt Gambetta Mairie du 20e
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