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Iliade brisée mise en scène de Laurence Kampet au théâtre de l’épée de bois

Déc 04, 2016 | Commentaires fermés sur Iliade brisée mise en scène de Laurence Kampet au théâtre de l’épée de bois

Article d’Anna Grahm

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© DR

Colère, il faut commencer par la colère, dit la jeune femme dès le début de son spectacle. Elle vient exhumer des temps immémoriaux, des bribes de personnages oubliés, elle en porte la mémoire et entend bien leur rendre justice. C’est le temps où les hommes vivent sous la coupe des dieux, un temps où ce qu’il reste aux mortels est d’être – sinon l’égal des dieux -, d’être le plus fort, le plus respecté d’entre tous les hommes. En ce temps-là ce qui revient aux hommes, pour exister, est de défendre coute que coute leur part d’honneur. Un de ces temps où chacun doit se battre pour se l’attribuer.

La mise en scène fait remonter du fond des âges ce code de l’honneur qu’il appartient aux hommes de s’approprier à tout prix. Quiconque saura le conserver sera élevé au rang des héros.

Mais ici, dans ce petit théâtre de bois, c’est une femme l’héroïne, elle seule qui est à l’honneur et qui tient les rennes de l’histoire. Une fois n’est pas coutume, c’est celle qui subit le déshonneur qui prend la parole, qui devient le moteur, le cœur et l’enjeu de ce récit. Elle raconte de ces temps homériques, un petit épisode, dans lequel elle a compté pour rien. Elle relève l’insulte qui l’a réduite à néant, qui la rend désormais si farouche, si déterminée.

La comédienne Laurence Kampet s’attèle au premier chant de L’Iliade, suit les pas de Briséis pour attaquer de front l’atteinte qui a été faite à son intégrité.

Elle parle pour toutes ces femmes qui ont été et sont encore trop souvent effacées de l’Histoire. Elle est toutes les femmes, un kaléidoscope de femmes présentes et passées. Elle est à la fois conteuse, prof, l’image floutée qui parfois surgit, image sociale en permanence brouillée, elle est ce garçon manqué, cheveux courts et blouson de cuir, l’ado fragile cachée sous le masque rebelle et aussi et surtout elle est Briséis, la captive, marquée du sceau de l’esclave, elle est le butin, la monnaie d’échange, elle est ce trésor de guerre qui se partage, cette part du gâteau convoitée, ce cadeau qui se donne et se reprend, l’objet de toutes les querelles entre Achille et Agamemnon.

Plantée dans le sol tel un cowboy elle traverse ce bout d’Odyssée accompagnée d’un guitariste de talent. Sa musique soulève la poussière des grands espaces américains, installe les champs de bataille de la guerre de Troie, lance les rythmes effrénés de ces expéditions sanguinaires, fait surgir les combats, les cris d’assaut, le galop des chevaux, et fait entendre le choc des lances contre les boucliers.

Et tandis qu’elle est prise en tenaille par les desseins vengeurs des hommes, tandis qu’elle est écartelée entre les stratégies de pouvoir des guerriers et qu’elle compare la bataille des mots à celle de l’épée, elle prend sa part, elle contribue. En ces temps-là ces pairs avides de suprématie l’avaient évacuée de leur système de pensée, c’était il y a quelques milliers d’années ces mères, ces sœurs, ces filles disparaissaient sans laisser de traces, mais aujourd’hui mais demain. Combien de voix comme celle de Laurence Kampet pour dire l’effacement qui perdure. Qui d’autres dans la foulée de ce moment de théâtre pour continuer de le rappeler.

Iliade brisée
D’après l’Iliade
Texte de Laurence Kampet
Avec la complicité de Fatima Aïbout et Françoise Huguet
Images de Nathalie Hervieux
Lumière et régie : Manon Geffroy
Composition et interprétation musicale : Orestis Kalampalikis

Avec Laurence Kampet et Orestis Kalampalikis

Du 30 novembre au 18 décembre 2016
Mercredi, jeudi, vendredi à 20h30
Samedi à 16 h et 20h30
Dimanche 18h30

Théâtre de l’épée de bois
Cartoucherie – route du champ de manœuvre 75012 Paris
Réservations 01 48 08 39 74

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