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Il n’y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur, mis en scène par Johanna Nizard et Arnaud Aldigé, Théâtre de l’Atelier

Sep 05, 2023 | Commentaires fermés sur Il n’y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur, mis en scène par Johanna Nizard et Arnaud Aldigé, Théâtre de l’Atelier

 

© Pauline Legoff

  

ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

Sous-intitulé Monologue contre l’identité, Il n’y a pas de Ajar, le premier texte de théâtre (publié chez Grasset en 2022) de la rabbin libérale Delphine Horvilleur, créé en 2022 dans la mise en scène de Johanna Nizard et Arnaud Aldigé, est repris au Théâtre de l’Atelier en ce mois de septembre 2023.

Dans ce seul en scène, Johanna Nizard est Abraham Ajar, le fils imaginaire créé par Delphine Horvilleur, du fictif Émile Ajar, double de Romain Gary à l’origine du plus grand et célèbre canular littéraire. Le spectateur, qui comprend in fine avoir été invité à lui rendre visite dans son « trou juif » (écho à La Vie devant soi) croit (ou espère ?) d’abord assister à un récit hagiographique sur Romain Gary, véritable « dibbouk » pour Delphine Horvilleur (voir la préface d’Il n’y a pas de Ajar). Une voix off, celle de Bernard Pivot que l’on reconnaît rapidement, ouvre le spectacle. C’est l’annonce à la fois du suicide de l’écrivain et le dévoilement de la « non-existence » de son personnage fantoche ou de sa « non-identité » résonnant avec « cette impossibilité d’être soi » par laquelle Derrida définit son judaïsme dans L’Ecriture et la Différence (ainsi que le rappelle l’autrice dans ses Réflexions sur la question antisémite).

En réalité, et c’est peut-être là où l’on pourrait voir un défaut de la pièce, un malentendu, il est peu question de Gary. Delphine Horvilleur propose dans la continuité de l’intelligence bienveillante de ses écrits précédents (tel Vivre avec les morts), de la résilience truffée d’érudition et d’humour et allant à contre-courant d’un discours victimaire (tel Réflexions sur la question antisémite précité), une nouvelle réflexion en miroir qui a été parfaitement comprise par les metteurs en scène au premier et au second degrés. Sur le plateau, des jeux de miroirs et de lumières ponctuent la réflexion à la fois limpide et sinueuse sur le rapport à l’identité, à son polymorphisme et à tous ses dommages collatéraux si l’on peut dire, avec toujours en filigrane ou en arrière-plan Ajar/Gary. Delphine Horvilleur réhabilite Ajar en quelque sorte pour remettre en cause ou en question ce suicide littéraire sans consentement opéré par Gary. Cela passe par l’origine possiblement non anodine de ce pseudo (à travers une histoire déjà racontée dans ses Réflexions sur la question antisémite précité), mais aussi par le sempiternel rappel du mot de De Gaulle (diffusé en voix off) et la dénonciation rapide des « souffles » et « bouffées » de « communautarisme », nationalismes et autres, jusqu’aux questions les plus actuelles de transition de genre ou de sexe et d’appropriation culturelle.

Si ce texte incroyablement bien écrit, percutant, drôle et provocateur (la scène de la circoncision reliée au « droit à disposer » et au néologisme d’« intactiviste » est hilarante) parle de lui-même, l’intérêt du spectacle est également largement dû au remarquable seul en scène de Johanna Nizard. La capacité de transformation et de changements de registres de la comédienne est confondante, sans possibilité d’en dire davantage pour ménager les surprises de la mise en scène qui sont un bel hommage à Ajar.

Alors est-ce « un nom vraiment dégoutant : l’identité » (préface) ? À chacun, quelle que soit sa religion, son rapport à Gary/Ajar, et à « ce foutu principe de réalité » de se faire son idée, à condition d’être « en chemin vers ce qu’on peut encore être, et cela implique forcément de quitter ce qu’on était » afin de ne pas passer toute sa vie à exister « sous pseudo »…

 

© Pauline Legoff

 

 

Il n’y a pas de Ajar, de Delphine Horvilleur

Avec : Johanna Nizard

 

Mise en scène : Johanna Nizard et Arnaud Aldigé

Collaboratrice artistique à la mise en scène : Frédéric Arp

Conseil dramaturgique : Stéphane Habib

Regard extérieur : Audrey Bonnet

Création maquillage et perruque : Cécile Kretschmar en collaboration avec Jean Ritz Création

Costumes : Marie-Frédérique Fillion

Création sonore : Xavier Jacquot

Scénographie et création lumières : François Menou

Création décor : Les Mécanos de la Générale

Durée 1h20

 

Théâtre de l’Atelier

1, Place Charles Dullin

75018 Paris

 

Jusqu’au 1er octobre 2023, à 20h les vendredis et samedis et 16h les dimanches

www.theatre-atelier.com

 

 

Tournée 2023-2024 :

Le 5 décembre à L’Azimut, Antony/Châtenay-Malabry, www.l-azimut.fr

Le 9 décembre, Théâtre des 2 Rives, Charenton, www.charenton.fr

Du 13 au 15 décembre, Théâtre National de Nice, www.tnn.fr

Les 19 et 20 décembre, Bonlieu Scène Nationale, Annecy, www.bonlieu-annecy.com

 

Et de très nombreuses dates en 2024 à Vannes, Toulouse, Bourges, Blois, Amiens, Versailles, Châtillon…

 

 

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