© Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française
ƒ article de Nicolas Brizault
Alfred de Musset aimait écrire sur ce type de thèmes, les proverbes, qui donnaient naissance à des spectacles courts, certes, mais chargés de sens, d’esprit. Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, créé en 1847, en fait partie. Il a été joué au Français tous les ans entre 1910 et 1970 et a été repris en 1980. La Marquise reçoit le Comte, qui se trouve seul chez elle un jour de grand froid alors qu’il pensait s’y retrouver avec la faune habituelle. Non, ils ne sont que tous les deux et vont se battre, un Comte amoureux et une Marquise pas très aimable, moqueuse et féministe (tant mieux !). Il déborde d’émotion, contenue ou non, elle lui rappelle ses maîtresses, il veut aller au bal avec elle, elle l’assure qu’elle y est fermement attendue. Il est chez elle seul suite à une de ses manigances à elle ? Peut-être, peut-être pas. En tout cas, ils se battent dans ce loft-atelier, pendant que la Marquise sculpte, peut-être formant dans la glaise ce qu’elle attend de lui depuis longtemps… Il veut quitter cette joute plusieurs fois, elle le plaint des courants d’air et ordonne qu’il referme cette porte – ici un des rares éléments d’un décor simplissime et net, leur combat en quelque sorte – jusqu’à ce qu’explose Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée et qu’enfin les fiançailles fleurissent. Veuf et veuve redémarrent vers une nouvelle vie, l’amour est là, sa remise en place sans doute difficile à imaginer ou accepter, mais tout se fini bien.
Et l’on peut quitter la salle, ni enjoués ni meurtris, oui une aisance certaine, évidente, de Christian Gonon, Jennifer Decker. Une reprise de 2017, une mise en scène simple et construite d’un metteur en scène, Laurent Delvert, emporté par cette pièce de Musset. Nous, oui et non. Nous y trouvons à la fois de l’éclat et de minces retentissements d’ennui. On ne les recherchent pas, on ne se permettrait pas, il va et vient cet ennui, se ballade, les pancartes « talent » surgissent pourtant et on se cogne dessus. Ici et là. Rien d’autres. On est content de voir ça, pas transportés. La Marquise mord et pince et c’est bien fait. Le Comte se transperce de chagrin rentré, s’agenouille. Oui. Mais tout reste infiniment pâle, très beau paysage en plein hiver, dans les gris aux tons démultipliés. C’est déjà ça. C’est tout. On n’ose même pas soupirer…
© Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française
Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, d’Alfred de Musset
Mise en scène Laurent Delvert
Scénographie Philippine Ordinaire
Costumes Christian Lacroix
Lumières Nathalie Perrier
Son mme miniature
Avec Christian Gonon, Jennifer Decker
Du 16 janvier au 24 février 2019 à 18h30
Durée 50 minutes
Comédie Française – Studio
99 rue de Rivoli
Galerie du Carrousel du Louvre
75001 Paris
https://billetterie.comedie-francaise.fr
comment closed