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Idomeno, Re di Creta, opéra de Mozart, mise en scène de Satoshi Miyagui, Théâtre de l’Archevêché / Festival International d’Art Lyrique d’Aix en Provence

Juil 11, 2022 | Commentaires fermés sur Idomeno, Re di Creta, opéra de Mozart, mise en scène de Satoshi Miyagui, Théâtre de l’Archevêché / Festival International d’Art Lyrique d’Aix en Provence

  © Jean-Louis Fernandez

 

article de Toulouse

Opéra mozartien donné seulement pour la quatrième fois au Festival d’Aix en Provence, Idomeneo, Re di creta figure comme un tournant dans la carrière lyrique du jeune compositeur de tout juste vingt-cinq ans au moment de sa création en 1781. En effet, cet opéra représente d’une part l’aboutissement de ses œuvres de jeunesse consolidées par la maîtrise d’un compositeur plus affirmé, et dessine d’autre part une voie vers de nouvelles tentatives esthétiques et musicales qui préfigurent un bel avenir au musicien et à l’histoire de l’Opéra. Idomeneo essentialise les grandes thématiques tragiques, amour contrarié, jalousie, infanticide, révèle une œuvre sous tensions qui malheureusement est rendue ennuyeuse et plate par la mise en scène de Satoshi Miyagi.

Metteur en scène d’origine japonaise, nous avions pu voir ses propositions autour du Mahabarata et d’Antigone au Festival d’Avignon, dont les décors et les compositions picturales nous restent en mémoire. Ici il renouvelle un gigantisme scénographique fait d’un ballet de volumes et de paravents mouvants, dont les déplacements bruyants et fastidieux polluent parfois la musique. Sur ces socles agités, les chanteurs y trônent comme des statues de marbre contraints et inexpressifs. La mise en scène déborde de formel, écrase l’action et les enjeux de la fable, fait du roulement inéluctable de la tragédie de pauvres placements statiques et des duos passionnels ou contrariés un face-public systématique au regard lointain et vague. Autant dire qu’aucune vie ne prend forme au plateau, et si encore la forme qui contraint les corps était un temps soit peu sculptée et travaillée, cela pourrait avoir son effet… Malheureusement ce n’est guère le cas, et les rares moment de danses donnent lieu à des chorégraphies gênantes, enfantines et maladroites.

Les chanteurs s’en sortent bien car, malgré la rigidité cadavérique des corps englués dans la forme, ils parviennent par leur voix à nous partager de nombreuses émotions. C’est bien d’ailleurs l’unique vecteur pour se relier à eux. Anna Bonitatibus signe une Idamante vocalement convaincante, dont les silences sont intensément chargés et nous suspendent à ses lèvres. L’incroyable Sabine Devieilhe ne fait aucun pas de côté et, comme toujours, chante à la perfection. Nicole Chevalier en Elettra est époustouflante dans la furie et la l’énergie puissante qui l’accompagne. Petite erreur de distribution en revanche pour Michael Spyres qui, malgré la beauté de la voix qu’on lui connaît, n’est pas à son avantage dans ce rôle.

Si il y a bien une chose qui sauve cette mise en scène c’est la musique. On découvre ou redécouvre avec bonheur cet opéra magnifique, qui est sublimé par la direction musicale qu’en fait Raphaël Pichon. On avait déjà pu écouter son travail passionné et si bien assorti avec Mozart lors de l’incroyable Requiem mis en scène par Roméo Castellucci en 2019 dans ce même joli Théâtre de l’Archevêché. Pichon et son orchestre Pygmalion fait vibrer Mozart avec brio. Mélangés avec le chœur de l’Opéra de Lyon, les choristes, dans l’histoire tantôt Troyens tantôt Crétois, assurent une performance tout aussi sensible artistiquement qu’impeccable techniquement. Le fil de la musique parvient à bander son arc pour nous tenir sous tensions jusqu’aux applaudissements. Les respirations et les sursauts trouvent leur place dans une continuité pourtant bien cadenassée par le poids de cette œuvre et celui de la tragédie. On est entraîné par la musique et il est difficile de la lâcher.

Il demeure néanmoins tout simplement dommage d’avoir de si bons chanteurs, une musique si belle et si intelligemment dirigée au service d’une mise en scène sans relief et sans intérêt.

 

 

Idomeneo, Re di creta opéra de Mozart

Composition : Mozart

Direction musicale : Raphaël Pichon

Mise en scène : Satoshi Miyagi

Décors : Junpei Kiz

Costumes : Kayo Takahashi Deschene

Lumière : Yukiko Yoshimoto

Chorégraphie : Akiko Kitamura

Assistant à la direction musicale : Nicolas Ellis

Pianiste répétiteur et répétiteur de langue : Alessandro Benigni

Assistante à la mise en scène et à la chorégraphie : Honoh Horikawa

Assistant à la mise en scène et à la dramaturgie : François-Xavier Rouyer

Assistante aux décors : Yui Mitsuhashi

Assistante aux costumes : Elisabeth De Sauverzac

Interprète et traductrice : Hiromi Ishikawa

Interprétation : Michael Spyres (Idomeneo), Anna Bonitatibus (Idamante), Sabine Devieilhe (Ilia), Nicole Chevalier (Elettra), Linard Vrielink (Arbace), Krešimir Špicer (Gran Sacerdote), Alexandros Stavrakakis (Voce di Nettuno), Crétoises et Troyens : Adèle Carlier, Anaïs Bertrand, Clémence Vidal, Constantin Goubet, René Ramos Premier

Danseuses et danseurs : Sophie Blet, Idir Chatar, Apolline Di Fazio, Anaïs Michelin, Yumi Osanai, Ken Sugiyama

Chœur : Pygmalion avec la participation du Choeur de l’Opéra de Lyon

Orchestre : Pygmalion

 

Du 3 au 12 juillet 2021 à 20 heures

 

Théâtre de l’Archevêché / Festival International d’Art Lyrique d’Aix en Provence

Place des Martyrs de la Résistance, 13100 Aix en Provence

Téléphone 08 20 922 923

https://festival-aix.com/fr

 

 

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