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« Idiot ! parce que nous aurions dû nous aimer » de Vincent Macaigne aux Amandiers. Festival d’Automne

Nov 10, 2014 | Commentaires fermés sur « Idiot ! parce que nous aurions dû nous aimer » de Vincent Macaigne aux Amandiers. Festival d’Automne

ƒ article de Dominika Waszkiewicz

Ambiance de boîte de nuit, musique assourdissante, stridents échos d’un mégaphone. On distribue des boules Quies à l’entrée. Pression acoustique oblige (surtout lorsque monsieur Macaigne s’amuse à monter le volume avec un petit air de ne pas y toucher). Le hall du théâtre semble pris d’assaut par une bande de joyeux drilles. Les comédiens se métamorphosent en ambianceurs entraînant toute une ribambelle de spectateurs ravis (la plupart ayant entre 16 et 20 ans), sautant et courant jusque dans la salle. Là, au cœur de fumeuses nuées, s’entremêlent en un inaudible maelström sonore techno hardcore et chœur de l’armée rouge. Sur l’avant-scène, on distribue de la bière (sans alcool) tandis que le public est invité à scander joyeux aaaa-ni-ver-saire.

4498939_3_77ec_representation-d-idiot-parce-ce-que-nous_83f347bf9b5cf8bfac91d885e8affbbd© Samuel Rubio

Un cri nécessaire ?

Cinq ans après L’Idiot !, Vincent Macaigne revient sur son adaptation du célèbre roman russe. En quatre heures et huit personnages, il tente de traduire la démesure dostoïevskienne afin de « faire émerger la beauté » du chaos. Entre les mots de la réécriture et ceux de l’auteur, se déploie l’évidence d’une troublante actualité. 1869, 2014. Émergence du libéralisme et crise économique. Nihilisme forcené et naufrage des valeurs. Le texte met en lumière de fertiles correspondances… pour peu que l’on parvienne à l’entendre.

Sur un plateau relevant plus de la machine à jouer que d’une réelle scénographie, les comédiens nous crient leur désespoir. Ils sont étourdissants de force et d’énergie : on se demande comment Mychkine (Pascal Reneric) parvient à réitérer chaque soir ses acrobaties à la fois verbales et gestuelles. On reste bouche bée face à la sensuelle audace de Nastassia Filippovna (Servane Ducorps). L’insatiable débit d’Hippolyte (Thibault Lacroix) nous laisse pantois. Mais voilà, justement, tous ces cris réussissent à étouffer le sens des mots. C’est trop de rage. Trop systématique. Et, finalement, plus rien ne nous trouble vraiment. Pas même la nudité, pas même le lapin blanc, pas même l’intimité crue des sentiments. On les voit bien s’agiter tous dans leur bocal mais on se désintéresse assez vite de la chose, fuyant la saturation apoplectique.

« Une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, ne signifiant rien » Macbeth, V,5

Alors oui, il y a de belles trouvailles, des images pertinentes ponctuant une mise en scène indéniablement sincère. Il y a aussi la tendresse évidente de Vincent Macaigne pour ses comédiens (jamais loin, comme prêt à bondir). Néanmoins, on se sent exclu de ce bel esprit de troupe, adultes ennuyés surveillant les jeux hystériques d’une bande de gamins. Des gamins très doués, incontestablement, mais se préoccupant bien peu de ceux qui ne pénètrent pas d’emblée leur univers. Superficiellement iconoclastes, ils nous laissent somme toute assez indifférents à leur volonté affichée de déconstruire les codes. Dans la seconde partie surtout, longue et inégale, le message se brouille et rien n’apparaît de la composition symphonique annoncée. Vaine posture.

Reste que ce joyeux bordel, bien qu’il ne véhicule finalement que peu de sens, a le mérite de nous étourdir et nous griser, effaçant temporairement toute trace du dehors.

Idiot ! Parce que nous aurions dû nous aimer
Texte et mise en scène Vincent Macaigne
D’après L’Idiot de Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski
Décor Julien Peissel
Lumière Kelig Le Bars
Vidéo Thomas Rathier
Assistant à la mise en scène Dan Artus
Construction du décor Ateliers Théâtre Vidy-Lausanne
Avec Dan Artus, Servane Ducorps, Thibault Lacroix, Pauline Lorillard, Emmanuel Matte, Rodolphe Poulain, Thomas Rathier, Pascal Reneric

Durée : 4h avec entracte

Du mardi 4 au vendredi 14 novembre 2014
Du mardi au samedi à 19h30
Le dimanche à 15h30
Relâche les 10 et 11 novembre

Nanterre-Amandiers
7, avenue Pablo Picasso – 92022 Nanterre
01 46 14 70 00
www.nanterre-amandiers.com

www.festival-automne.com
01 53 45 17 17

En tournée :
du 19 au 21 novembre au lieu unique, Nantes
Les 26 et 27 novembre à Annecy, Bonlieu Scène nationale

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