© Risima Risimkin
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Il est toujours excitant de découvrir de nouveaux chorégraphes et qui tiennent toutes leurs promesses attendues. Risima Risimkin et le Skopje Theater ne sont pas dans le paysage de la danse contemporaine de nouveaux venus, ils sont macédoniens du Nord et, prolixes de plusieurs créations, parcourent le monde, mais c’est la première fois qu’ils sont invités en France à l’initiative, et c’est heureux, du Théâtre de Chaillot. On regrettera juste qu’il n’y ait que trois jours de programmation. History of an extended dream est une création qui démontrent avec éclat combien cette chorégraphe avant-gardiste interroge avec talent et invention le geste chorégraphique, le mouvement et son expressivité. A l’heure d’une pandémie qui exclut tout contact physique, ou peut s’en faut, Risima Risimkin chorégraphie le manque, l’absence et la frustration du corps de l’autre, l’isolement. Chorégraphie hypersophistiquée ou costumes, lumières et scénographie participent d’un étrange univers, apocalyptique, anxiogène, lumière entre chien et loup, mais étrangement calme dans le mouvement, voire retenu, alors que sourd une musique des plus menaçante. Une danse hybride pour d’étranges créatures mutantes, chaussées parfois de talons, des corps qui oscillent entre tension et relâchement, extension et rétention du geste, toujours maîtrisé, geste parfois mécanique et répétitif ou totalement libre de toute contrainte. Certains tableaux même sont coupés net dans leur élan, fin abrupte et arbitraire, incompréhensible. Comme si dans cette période troublée, tout était voué à l’inachèvement, à la frustration. Jamais les corps pourtant si proches ne se touchent. Qu’ils soient à la parade ou chacun à son affaire, la distance demeure, chacun arrimé à cette sphère qu’ils ne quittent pas, comme devenue leur désormais seul univers, accusant cet isolement dont ils ne défont pas malgré les tentatives et les élans, vite rompus, vers l’autre. Et pourtant un sentiment de liberté et d’ivresse peut naître dans cette enfermement contraint… Beauté et grâce d’un solo d’une femme-cygne comme un manifeste, l’expression d’une liberté qui demeure malgré tout, un acte de résistance. Et c’est sans doute cela qui caractérise cette création marquée du sceau de la pandémie, cette volonté affirmée de ne pas renoncer et de trouver par le geste, dans le corps, au plus profond de soi, cette liberté et cette beauté sans laquelle il n’y a pas de création.
© Risima Risimkin
Identities-History of an extended dream chorégraphie de Risima Risimkin
Musique Toni Kitanovski
Scénographie et lumières Matea Mijanovikj
Costumes Blogoj Micevski
Avec Anatasija Danchevska, Mimi Pop Aleksova, Sara Cvetkovska, Boban Ruseski, Dejan Bitrovski, Stefanie Schaarschmidt, Emilija Milak
Du 16 au 18 mars 2022 à 19 h 30
Théâtre National de la Danse de Chaillot
Place du Trocadéro
75008 Paris
Réservations 01 53 65 30 00
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