© Franck Jalouneix

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette

Huellas… un spectacle dont on ressort enchanté, comment dire, avec un whaou sortant tout seul, se répétant. Huellas, qui signifie les empreintes, nous permet justement une approche de traces néandertaliennes, de leurs échos. On s’attend à quelque chose d’un peu quelconque, du déjà vu facile, mauvaise humeur du soir, on ne s’attend à rien en fait. On s’installe dans cette salle Jean Tardieu, brute, sombre, essence matérielle qui semble avoir été créée pour ce spectacle, avec en face de nous un immense espace de terre, de boue (un carré rectangulaire inventant le losange, rien n’est simple) qui s’étale sur quasiment la scène en entier. Que va-t-il se passer ? On imagine tout sauf une telle poésie, qui dans très peu de temps va aller et venir devant nous, jouer, tenter de nous laisser bouche bée, et y parvenir.

Fernando González Bahamóndez et Matias Pilet sont en fait deux futurs humains, pas au même stade. Le premier un homme de Neandertal assez costaud, face à un éventuel quasi Sapiens, nettement plus clair et net, avec une sorte de recul face à la réalité, face à cette masse sombre à leurs pieds, face à ce personnage devant lui. Ils vont tous les deux se contempler, rapidement, avec une méfiance certaine, qu’ils abandonnent, plongeant dans une confiance amusée. L’un va apprendre à mieux se tenir droit, à tenter d’avancer autrement que le ventre au sol. Etre debout.

Ces échanges époustouflants, ces mouvements aux précisions incroyables sont une lenteur et son inverse. Des sauts sur les épaules de l’un à l’autre, on s’attend presque à en voir un danser sur la paume de l’autre. Ces deux personnages sont ensemble, à même le sol et en un instant, l’un est debout sur les épaules de l’autre. Oui. Vous avez bien lu. Cette archéologie vivante est soutenue par une musique époustouflante, avec un kultrum, ou tambour mapuche et une voix impressionnante, une vraie de vraie, on pense à un enregistrement un très court instant mais oui c’est bien une femme, avec nous, Karen Wenvl, co-compositrice de Huellas, qui chante en Mapudungun, la langue chilienne Mapuche. Et qui nous emporte, nous surprend.

Ces deux êtres se comprennent, se tendent la main. Ils ne sont pas au même niveau mais l’échange est tout à fait possible, le lien apparaît, le jeu se développe, corps à corps. Presque déjà une humanité, propre et sereine, ses tout débuts. L’écoute est là. Et nous, petit public beaucoup plus jeune, ceux de 2025, ceux qui ne savent pas vraiment ce qu’est la boue, sommes époustouflés. C’est même étrange de croiser ensuite ceux redevenus Fernando González Bahamóndez et Matias Pilet, connaissant sans doute le métro et ayant fêté l’entrée en 2025 il y a peu. Alors que nous, nous sommes en – 80 000, tentant de nous laisser sur les bras des traces aux significations certaines mais oubliées.

Nous restons plongés dans ces images, dans ces jeux avec la terre, sur les corps, sur les visages, une terre qui soutient les mouvements, qui glisse, construit, invente. L’acrobatie, la danse s’épousent, s’étonnent et poursuivent leurs aventures. Une force et une précision brutes à la fois.

Face à cette magie nous sommes surpris par certains éclats de rire dans la salle, pour le moindre mouvement, le moindre son, face à cette beauté dingue, ce travail extraordinaire. Ces deux corps l’un sur l’autre, rebondissent, grimpent, tombent, et inventent, découvrent le sourire, la tendresse, la bonté première. Celle qui aujourd’hui et donne envie de trouver un moyen de faire un saut en arrière, pour voir si tout cela a existé, vraiment. Huellas, que dire de plus que bravo, époustouflés que nous sommes ?

© Franck Jalouneix

Huellas, mise en scène par Olivier Meyrou

Musique : Karen Wenvl et Daniel Barba Moreno

Scénographie : Bonnie Colin

Création lumières : Sofia Bassim

Régie Plateau : Salvatore Stara

Avec Matias Pilet et Fernando González Bahamóndez

Coproduction La Plateforme 2 Pôles cirque en Normandie / La Brèche – Pôle national Cirque – Cherbourg-en-Cotentin, le Festival Cielos del In nito (Patagonie chilienne), Agora – Pôle national Cirque Boulazac-Nouvelle-Aquitaine, Le Plongeoir – Cité du Cirque – Pôle national Cirque Mans Sarthe Pays de la Loire, Théâtre Philippe Noiret – Doué-la-Fontaine

Soutiens Direction générale de la création artistique – ministère de la Culture, DRAC Pays de la Loire – « Aide au projet en musique, danse, théâtre, cirque, arts de la rue » (ADSV), Département du Maine-et-Loire « Création d’Anjou »

Partenaires Le Champ de Foire (Saint-André-Cubzac) et Maison Bouvet Ladubay (Saumur)

Remerciements Site paléolithique du Rozel (Cotentin), Les 7 doigts de la main, Pôle d’interprétation de la Préhistoire (Les Eyzies)

Création le 13 janvier 2023 dans le cadre du Festival Cielos del In nito, au Chili

Du 8 au 18 janvier 2025

Mardi au vendredi à 20h

Samedi à 19h et dimanche à 15h30

Relâche le lundi 13 janvier

Durée 1 heure

Théâtre du Rond-Point

Salle Jean Tardieu

2bis, Avenue Franklin D. Roosevelt

75008 Paris

Réservation 01 44 95 98 21

Adresse du site email : www.theatredurondpoint.fr

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